“L’affaire Benjamin S”, le nouveau roman de Sema Kilickaya, aux éditions Liralest

La parution d’un roman de l’autrice chaumontaise Sema Kilickaya est toujours un événement très attendu. Elle a su séduire un public avide de fictions bien construites, passionnantes jusqu’au bout, tissées d’une belle écriture très travaillée et nourrie de préoccupations, de réflexions, d’interrogations qui sont aussi les nôtres aujourd’hui.

« Elle courait, et les arbres, les fourrés, les taillis défilaient de chaque côté. C’était la forêt entière qui semblait courir avec elle ; la forêt secouée de frissons, de soupirs, de mouvements furtifs, et résonnant de gratouillis, de craquements et de bourdonnements. Elle sentait la présence invisible de créatures tapies dans les herbes et les feuillages. Tous ces souffles se mêlaient pour n’en former qu’un, à la fois puissant et subtil, celui de la sylve. Plus qu’une respiration, c’était comme une langue confidentielle, faite de paroles sibyllines, de chuchotements et de murmures. »

« Bon sang ! pourquoi n’avait-elle pas attendu le retour de Black pour se rendre à Vouécourt ? Elle s’était tout bonnement jetée dans la gueule du loup ! »

“L’affaire Benjamin S” commence, ainsi que ce passage le suggère, à la façon d’un roman policier : une femme, prénommée Ariane, est poursuivie et sa vie est en grand danger… Au chapitre suivant, retour en arrière : Ariane raconte son départ précipité d’Angleterre à l’annonce des disparitions mystérieuses de sa sœur et de son neveu Léo atteint d’une grave maladie. Elle rejoint la Haute-Marne où ils résident et s’installe dans une demeure familiale à Vouécourt pour aider à l’enquête…

Le lecteur retrouve avec plaisir l’inspecteur Lamarre des “Pluies Sauvages” le roman précédent, personnage atypique, amoureux de famille royale anglaise, beaucoup plus efficace qu’il ne paraît, les paysages et les villes haut-marnaises que Sema K magnifie et des péripéties surprenantes jusqu’au bout.

Des refuges à trouver

L’intrigue, très bien menée et divertissante, est bien sûr l’occasion de parler de choses plus profondes : elle se situe au moment de la pandémie « qui nous a jetés brutalement dans l’antichambre de la maladie et de la mort » et fait remettre en question ces modes de vie, de consommation qui nous « empoisonnent au quotidien ».

Elle évoque « cette putain de guerre à mener » quand la maladie atteint votre enfant. Elle s’interroge sur les refuges qu’on peut trouver pour rendre ces situations supportables. A travers ses personnages, on comprend que ses refuges sont l’écriture, l’amour des mots, la littérature anglo-saxonne dont elle sème des noms à intervalles réguliers « comme des motifs dans une tapisserie », mais aussi l’amour de la nature avec laquelle elle fusionne pleinement « car, dit-elle, tout est lié ».

Sema Kilickaya offre ici une fiction pleine d’inattendus inscrite dans notre monde contemporain car elle est émaillée d’éléments d’actualité mais aussi traversée de passages d’une vraie poésie qui disent toute sa gourmandise pour les mots, l’amour et la beauté.

Françoise Ramillon

“L’affaire Benjamin S”, de Sema Kilickaya, paru aux éditions Liralest.