A Besançon, percevoir ce que fut l’Occupation par l’objet et par l’image
Le musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon, totalement repensé et rénové pendant trois ans, a rouvert ses portes le 8 septembre. L’équipe a fait le choix de recourir, au minimum, aux outils numériques, pour éviter que « les écrans ne fassent écran à la découverte ».
Petit à petit, d’une salle à l’autre, la lumière diminue d’intensité, le plafond s’abaisse légèrement, pour arriver, par un petit couloir aux couleurs gris sombre, dans l’espace consacré à la Déportation. C’est là un parti pris du scénographe Alexis Patras : il fallait faire ressentir, aux visiteurs, un changement d’univers, entre la joie d’une liberté retrouvée et l’horreur des camps de la mort.
Nous sommes au Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (MRDB). Plus exactement dans « le » nouveau MRDB, puisqu’entièrement rénové après trois ans de fermeture pour travaux. Par rapport au site créé en 1971, où la masse d’informations était particulièrement dense, l’atmosphère est volontairement confinée. Pas de fenêtre, par exemple, vers l’extérieur. « Pour éviter que les visiteurs ne regardent dehors, et ainsi leur permettre d’être sensibles à l’histoire qui est racontée », explique Vincent Briand, directeur du musée, à l’occasion d’une présentation à la presse.
Vêtements d’enfant
Ce rendez-vous, proposé avec Aline Chassagne, adjointe à la maire de Besançon, est intervenu quelques jours avant la réouverture du musée, programmée vendredi 8 septembre. Un événement attendu, tant le MRDB est un des sites les plus visités de ce patrimoine mondial de l’Unesco qu’est la Citadelle de Besançon.
Dans chacune des onze salles, qui conduisent le visiteur de l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler jusqu’à l’après-guerre, des objets phares sont mis en avant : ici un exemplaire d’un ouvrage de Stefan Zweig « retiré d’un autodafé en Allemagne », là la prothèse d’un grand blessé de guerre, ou encore une brassière et un chausson d’enfant évoquant l’indicible, l’extermination des juifs.
Connaissance par l’objet
« Outil de connaissance, de vigilance », le MRDB a fait le choix de recourir au minimum aux nouvelles technologies : quelques enregistrements sonores, une carte évolutive de l’univers concentrationnaire nazi, ou encore une tablette permettant de découvrir les parcours et portraits des 100 fusillés de la Citadelle. L’offre est chiche, au regard d’autres lieux de mémoire. « On voulait éviter que les écrans ne fassent écran à la découverte », justifie Vincent Briand.
Cette découverte, dans les 300 m2 du lieu, elle passe d’abord et avant tout par ces dizaines d’objets légués par des acteurs et contemporains de cette période : ce morceau de drapeau de la sous-préfecture de Lure conservé pieusement par des fonctionnaires, cette étoile jaune détournée de son sens (le mot « Zazou » remplace « juif »), les tenues de déporté de Pierre Choffel et de « Mimi » Socié, l’original d’une opérette écrite à Ravensbrück par la célèbre ethnologue Germaine Tillion – dont le musée est détenteur du fonds -, le manuscrit d’un polar rédigé à Buchenwald…
Oeuvres crées dans les camps
Car si on a souffert, dans les camps, on a créé, également. La preuve avec les salles « Art en déportation », sélection de quelques oeuvres parmi les 600 – des dessins, des sculptures produits par des déportés – que conserve le musée bisontin. « Ce sont des oeuvres réalisées avec ce que les déportés avaient sous la main », précise Vincent Briand, montrant les originaux des portraits signés Léon Delarbre. Parce que souvent mieux que des mots, comme bien souvent ce sont des oeuvres qui ont montré toute l’horreur de la Déportation.
Lionel Fontaine