« Vivre la nature » face à l’urgence écologique
Portrait. Professeur d’éducation socioculturelle au lycée agricole Pisani, mais aussi musicien, Christophe Rémy estime que, pour continuer à vivre sur une planète vivable, « il faut réenchanter le monde ». Une vision qu’il souhaite propager. Rencontre.
« Le capitalisme a réduit la nature à une mine à ciel ouvert, en oubliant que nous en faisons partie. Il faut réenchanter le monde, le trouver beau avant de le trouver utile. L’humain doit retrouver une place plus modeste au sein de la nature, sans vouloir tout posséder », soutient Christophe Rémy, professeur d’éducation socioculturelle au lycée Pisani.
Cette lecture le guide dans l’élaboration de ses cours, qui portent en partie sur l’urgence écologique. « Les chiffres et fresques du climat sont importants, mais ils ne sont pas suffisants », pointe-t-il. En effet, mettre la lumière sur les problèmes qui se posent et leurs origines, étroitement liées au mode de vie des pays développés, devient vite culpabilisant. « Quand on calcule son empreinte carbone, on a vite mauvaise conscience. On a envie de passer à autre chose, ce n’est pas la bonne approche », estime celui qui chante également aux côtés de Vincent Bardin.
Transformer la contrainte en envie
A ses yeux, il faut donner une motivation pour initier un changement. Celle-ci peut se trouver dans l’enthousiasme de « vivre la nature ». Le professeur détaille son idée : « Je vais au travail en vélo. Un matin, il faisait un peu frais et je me serai bien assis dans ma voiture… mais je me suis poussé à ne pas la prendre. Une fois dehors, il faisait bon et il y avait une odeur agréable de tilleul. Ce sont des bénéfices qu’il faut valoriser. Surtout qu’en retrouvant le lien avec la nature on ressent de plus en plus ces bienfaits ».
Un autre exemple vient de sa vie personnelle. Père d’une fille qui prend des longues douches, il constate que de dire « Qu’est-ce que tu as fait pendant autant de temps sous la douche ?! Il faut économiser l’eau ! » ne porte que très peu ses fruits. Alors, il a changé son fusil d’épaule, essayant d’initier une envie à la place de la contrainte.
« Cet été, on était en famille en train de se baigner dans une rivière dans des gorges. Pendant qu’on nageait, je m’émerveillais devant la beauté de la nature, soulignant à quel point elle est précieuse pour donner envie de la protéger. » Avec ses élèves, cette volonté prend la forme de cours en extérieur.
« Être là … ou hêtre las »
Christophe Rémy aime aussi jouer avec l’humour, parfois noir, et l’autodérision, avec, derrière, l’objectif de ne pas avoir un discours moralisateur. « Ma génération a largement contribué à cette situation, faire des sermons a un côté hypocrite. » Cette approche en légèreté s’est traduite par l’exposition de photographies « Gueules de bois », accrochée pendant des portes ouvertes du lycée agricole.
Christophe Rémy l’a imaginée au détour de ses balades dans le bois au-dessus du viaduc. Il a remarqué des arbres balisés avec des ronds et des traits. La première inscription indique que l’arbre est en mauvais état, la seconde qu’il doit être coupé. « J’y ai vu des visages en train de faire la gueule. J’ai trouvé ça génial. »
Le professeur a alors pris les arbres en photo, tout en leur composant des vers de poésie. « Être là … ou hêtre las. C’est toute la question », accompagne ainsi l’image d’un hêtre.
Julia Guinamard