Quatre jours à vélo en mémoire d’un prisonnier de guerre français
Trois jeunes Allemands ont rallié cette semaine leur commune allemande à Montsaon, en hommage à un prisonnier de guerre haut-marnais ayant travaillé auprès de leur famille durant la Seconde Guerre mondiale.
15 juin 1940. Une date marquante dans la vie de Roger Roze : c’est celle où il a été fait prisonnier de guerre, en Alsace. Pour le jeune fils d’agriculteur de Villiers-le-Sec, sous l’uniforme depuis qu’il a été appelé au service militaire, direction le Stalag V A, près de Stuttgart, avant d’être détaché comme travailleur auprès de paysans allemands du Bade-Wurtemberg.
Lui et ses camarades d’infortune travailleront pour trois familles successives. La dernière vivait à Westerheim : les Moser. Bien traité, respecté, Roger Roze n’en gardera que pas de mauvais souvenirs. Fin avril 1945, il est libéré par les Américains. Il rentre en Haute-Marne, retrouve son village de Villiers-le-Sec qu’il a quitté sept ans plus tôt, bien décidé à tourner rapidement la page de la guerre.
Liens d’amitié
1972. Roger Roze a 55 ans. Il s’est marié, est devenu père de famille. Mais il n’a jamais oublié les Moser. Un beau jour, sans crier gare, il décide de leur rendre visite : il est accueilli à bras ouverts. Là-bas, on n’a pas oublié ce prisonnier français qui, faute de cheval, avait appris à labourer « avec un bœuf ». Dès lors, par-delà le Rhin, les Roze et les Moser vont correspondre.
1985. Roger Roze n’est plus. Mais sa famille est bien décidée à continuer à tisser les liens d’amitié qui se sont noués avec les Moser : les enfants, les petits-enfants… et, aujourd’hui, les arrière-petits-enfants.
Quatrième génération
Eté 2023. A la différence de son frère Maurice, qui s’y est rendu « cinq ou six fois », Paul Roze n’était encore jamais allé à Westerheim. Il s’y est rendu voici quelques semaines. Un accueil inoubliable lui a été réservé. L’habitant de Montsaon a même pu découvrir, là-bas, la demeure, « toujours dans son jus », où son père était hébergé. Et c’est à l’occasion de ce séjour qu’une idée, a priori, folle, a été lancée par les jeunes représentants de la famille Moser, Lucas, Marianna et Katja, tous âgés d’une vingtaine d’années : rallier Westerheim à Montsaon, le village où vivent Maurice et Paul.
A vélo
Leur façon à eux, en effectuant le parcours inverse, de rendre hommage au soldat Roger Roze. Alors, lundi 21 août, les trois jeunes cousins – « nous sommes sportifs » – ont quitté l’Allemagne, à vélo. A la seule force des mollets et des poignets, à raison de plus d’une centaine de kilomètres chaque jour, sous la chaleur, ils ont sillonné les routes vallonnées de leur Land, franchi le Rhin, gravi le col de la Schlucht, descendu sur Remiremont, avant d’arriver, jeudi 24, devant la mairie de Montsaon. Là, les attendaient la famille Roze ainsi que les parents de deux des cyclistes, heureux d’avoir réalisé un tel périple. Heureux surtout d’avoir rendu hommage à Roger Roze, celui grâce à qui deux familles européennes ont noué des liens d’amitié forts.
L. F.