Une plancha vole, fait bouillir les protagonistes : prison ferme à l’arrivée
Le tribunal judiciaire de Chaumont a jugé quatre prévenus dont un comparaissait détenu, vendredi 11 août. Tous parents, ils devaient s’expliquer sur des violences commises à Saint-Dizier, parfois aggravées, toujours en réunion, assorties dans un cas de dégradation du bien d’autrui. Prison ferme pour trois d’entre eux, qui demandaient pourquoi l’audience n’était pas annulée : après tout, ils étaient de la même famille.
« Silence dans la salle ! ». Vendredi 11 août, le président du tribunal Anne Courcet-Desvaux préfère signifier d’entrée de jeu au public qu’il est prié de renoncer à mener ses propres débats : c’est à la justice de se pencher sur ce dossier de violences en réunion, parfois avec arme, entre parents, et de voiture bien amochée à coups de batte de baseball, autant de faits commis à Saint-Dizier. Les prévenus acceptent d’être jugés selon la procédure d’urgence.
« Le déclencheur de toute cette affaire est l’appel d’une jeune femme à sa mère », nuitamment. Le matin, Karim, le père de l’appelante, et son fils Yenis se rendent au domicile de la famille de son compagnon pour soi-disant récupérer la demoiselle. Si le père n’y va pas seul, c’est que son fiston « était chez le coiffeur »… et qu’il l’a croisé en route. C’est toujours devant ledit coiffeur que précisément Yenis se retrouve nez à nez avec le fameux compagnon, Dawson. « J’essaie de m’expliquer avec lui tranquillement ». La sérénité n’aurait pas été la tasse de thé de son interlocuteur, qui s’enfuit dans son Audi. Il va être aussitôt suivi. « Je confirme avoir dégradé sa voiture car il s’est sauvé ». En utilisant une batte de baseball, qui « était là par hasard ». Du pare-brise et des vitres principalement, il restera de tout petits morceaux. « Ils m’ont bloqué deux fois en ville (…) Non, ils ne m’ont pas tapé ». Et tout le sang qu’il avait sur lui ? « Ce sont des éclats de verre ». Et le bleu souligné par les médecins, qui participe à l’établissement d’un certificat d’ITT de 4 jours ? « C’est en sortant de ma voiture… ». Des déclarations assez éloignées des propos qu’il a tenus en garde-à-vue pour que le procureur Alexandre Djindian lui demande s’il revient sur ceux-ci. Qui sait s’il ne redoute pas, dans la famille, qu’on les lui reproche ? Dawson s’échauffe. « Vous n’y étiez pas, Monsieur ! ». Au tour du représentant du ministère public de rappeler quelques règles.
« Je voulais discuter et ça n’a pas marché »
« On nous avertit que trois personnes arrivent chez nous ». Après son père Karim, Yenis renchérit : c’est encore sa soeur qui les a prévenus. Karim certifie qu’en leur ouvrant la porte, ils l’ont « frappé d’emblée ». Christopher est armé d’un bout de bois. Karim assure que son fils a voulu le séparer de son agresseur. Christopher reconnaît la bagarre : « je voulais discuter et ça n’a pas marché ». Le président Courcet-Desvaux suppose qu’il était à dessein accompagné pour mener son projet. Sauf à « ramasser tous les gens qu’il trouve sur (sa) route ». Finalement, c’est Steven, un cousin, qui, insiste-t-il, se contente de l’emmener. Avant de clamer à la barre : « je ne veux pas que tout le monde aille en prison, on se connaît tous ». Le troisème homme, identifié, n’a pas été retrouvé. Steven soutient que Yenis avait une bate de baseball. « Après, il y a eu c’te ampleur de tout ça ». Tous les prévenus ont déjà des mentions à leurs casiers judiciaires. « Je me repentis. Ce qu’on a fait, c’est pas bien », gémit Karim. « J’ai grandi. J’ai envie que tout ça cesse, qu’on arrive à s’entendre », assure son fils Yenis.
« Ils savent tous ce qu’ils risquent au regard de leurs casiers »
« J’ai surtout le sentiment qu’on est passé de la loi du talion à la médiation pacifique ». Le procureur Alexandre Djindian y voit le signe que « l’extrême violence » des faits n’a échappé à personne. Qu’on qualifie d’ « explications » une « volonté de s’en prendre à Dawson ». C’est le récit d’une expédition punitive que le magistrat a pour sa part entendu, après la traque de Dawson en voiture. Et l’aspiration à oublier l’ensemble dans un souci d’apaisement lui fait penser qu’ « individuellement, ils savent tous ce qu’ils risquent au regard de leurs casiers ». Avant de requérir 120 h de TIG pour Christopher ; 6 mois ferme avec mandat de dépôt notamment pour Steven 10 mois ferme, éventuellement aménageables, pour Karim et 18 mois ferme pour son fils Yenis.
Dans la famille, les mises au point, c’est tout de suite
« Qui a porté quels coups ? », interroge Me Renaud Tribolet pour la défense de Karim et Yénis. Et quand bien même « certains verraient une stratégie utilitaire au tribunal », il n’en demeure pas moins que c’est un « signe d’apaisement ». Et puis si le père et le fils avaient voulu régler leurs comptes, ils y seraient allés « tout de suite » quand « non, ils sont allés chez le coiffeur ». Ses clients ont « réagi à une vendetta, ils n’ont pas agi », ils étaient chez eux. « S’il n’y avait pas eu un troisième homme pour lancer la plancha qui blesse Karim… ». Au tour de Me Claudy Grosjean de plaider pour Christopher et Steven. Il souligne qu’ils ne jouent que le deuxième acte de l’affaire. Quand « Yénis fait son justicier avec sa batte de baseball et engendre 5 000 € de réparations sur le véhicule de Dawson ». Si Christopher est parti chez les D. vec un bâton, « il l’a lâché » en arrivant ; Steven « ignore » pourquoi Christopher lui demande de l’emmener en voiture, et il « ne donne pas de coup ». Certes, « il y a une plancha et le sang qui coule énerve tout le monde »
Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné Yenis D. à 10 mois ferme, Karim D. à 6 mois ferme, Steven H. à 10 mois ferme, et Christopher à 120 h de TIG. Tous trois sont interdits d’entrer en contact les uns avec les autres ; de porter une arme aussi, pendant 5 ans.
Les intérêts civils seront étudiés en octobre.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr