L’enquête d’abord – L’édito de Christophe Bonnefoy
Faut-il condamner avant de juger ? Bien évidemment que non. C’est toute l’essence de notre système judiciaire, qui ancre la présomption d’innocence en valeur fondamentale.
Ce lundi vient de nous en fournir la preuve. On a fait connaissance, si l’on peut dire, le matin du côté de Forbach, en Moselle, avec l’infâme mari qui aurait séquestré son épouse, retenue prisonnière dans une pièce grillagée depuis 2011 par celui qui était devenu son tortionnaire. Une femme rasée, victime de violences, souffrant de fractures diverses et presque laissée à l’état d’animal sauvage. En fin d’après-midi, l’affaire se transformait en un fait divers où le doute était devenu prégnant dans l’esprit du procureur de la République. Point de fractures, non plus d’enfermement, donc un peu plus de prudence sur le terme de séquestration. Pas davantage d’« état de déshydratation significatif ». Mais, plutôt, une hypothèse parmi d’autres : « des conditions de prise en charge (l’épouse pourrait souffrir d’un cancer) d’une maladie insatisfaisantes ». Et des incohérences dans le récit de la victime présumée. Ne jamais considérer la relation des faits, à chaud, comme une vérité. Ne jamais condamner avant d’enquêter, puis de juger.
Reste qu’en soirée, le mari restait gardé à vue, notamment pour viols aggravés et actes de torture et de barbarie. Comme on dit, mais c’est tellement vrai pour le coup, l’enquête devra faire toute la lumière sur cette affaire.
Revient tout de même très vite à l’esprit, lorsqu’on évoque ce type de faits, la question des féminicides. Celle des violences faites aux femmes. Pas un jour, ou presque, sans que l’une d’elles ne perde la vie sous les coups d’un conjoint. Ou pour le moins, et c’est déjà trop, ne subisse les violences de ceux qui ne sont au final que des lâches.
Un phénomène de société. Et une réponse qui nécessite évidemment qu’on soit intransigeant avec les auteurs, mais aussi qu’on éduque, dès le plus jeune âge, ceux à qui on pourrait laisser penser, notamment dans la cellule familiale, qu’un homme peut tout se permettre avec une femme.
c.bonnefoy@jhm.fr