Un grand papillon migrateur : le sphinx du liseron

Nature. Le sphinx du liseron (Agrius convolvuli linnaeus) qui visite nos jardins au crépuscule, est l’un des plus grands papillons d’Europe : il atteint douze cm d’envergure. Il est possible de l’apercevoir en Haute-Marne, notamment les soirs d’été.

Le sphinx du liseron est un papillon nocturne subtropical. Il s’active avant la tombée de la nuit, entre “chien et loup”, sur les prairies et à la lisière des bois, dans les parcs et jardins, parfois en ville sous les lampadaires. Au vu de sa grande taille, on peut le confondre avec un oiseau attardé ou une chauve-souris. En journée, son immobilité et sa livrée alaire mimétique le font passer inaperçu. Ce papillon est originaire d’Afrique, ses migrations en petits groupes l’amènent sur tous les continents, jusqu’en Océanie. Ce lépidoptère de forme très aérodynamique profite des vents portants pour atteindre 50 km/h en vitesse de croisière, le double en pointe. Il se déplace sur des milliers de kilomètres entre l’Algérie et l’Islande ; il survole la Méditerranée et les Alpes sans difficulté. Il s’offre parfois une pause sur un cargo, en pleine mer, attiré par la lumière de la timonerie. Comme d’autres grands sphinx, celui du liseron remonte d’Afrique du Nord de mai à juin. Trouvant en France des conditions favorables lors des canicules estivales, il peut s’y reproduire grâce à une arrivée précoce. Les derniers migrants, comme la génération autochtone qui s’épanouit d’août à octobre, ne peuvent survivre à l’hiver que dans le Midi. Pour se nourrir, le sphinx du liseron, dont le corps est long de 6 cm, dispose d’une trompe hors norme qui peut atteindre 13 cm ! Elle lui permet de prélever le nectar dans les corolles les plus profondes, inaccessibles aux autres papillons. Cette longueur de trompe lui permet de se différencier de son proche cousin, le sphinx du troène, auquel il ressemble beaucoup. Il butine avec précision et une grande vitesse d’exécution, en vol stationnaire, à la mode du moro-sphinx (sphinx colibri) et des oiseaux-mouches. Contrairement aux autres sphingidés, qui ont des yeux discrets, les siens sont très apparents. Si la taille des mâles est légèrement inférieure à celle des femelles, celles-ci ont les ailes antérieures d’un gris uniforme, alors que celles des mâles disposent de zones plus foncées. Lors de ses déplacements, la femelle pond jusqu’à 1 000 œufs sur un milieu favorable comprenant du liseron. La chenille, verte ou marron, atteint onze cm de long. Elle s’orne de stries latérales obliques blanchâtres ; elle est munie d’une petite corne jaune avec la pointe sombre, ou entièrement noire. Elle finit par s’enfouir dans le sol, où elle aménage une cavité, pour sa transformation en chrysalide. En Europe, ce papillon nocturne se complaît sur le liseron des champs et celui des haies, l’oseille, les volubilis, les hibiscus rustiques. Hors d’Europe, il butine surtout les fleurs de patates douces, parfois de haricots. Cette espèce a été décrite et répertoriée par le naturaliste suédois Carl Von Linné en 1758.

De notre correspondant

Patrick Quercy