L’ombre de Tchernobyl – L’édito de Patrice Chabanet
Chacun y va de sa version. Les Ukrainiens affirment que les Russes ont déposé des explosifs sur plusieurs réacteurs de la centrale de Zaporijjia. Les Russes accusent les Ukrainiens de préparer une attaque contre cette installation qu’ils occupent. Les uns et les autres jouent sur la même fibre : le danger d’un débordement nucléaire dans un conflit qui semble s’enliser dans une guerre de position. L’ombre de Tchernobyl – située elle aussi en Ukraine – est bien là, avec ses images de catastrophe incontrôlable et de nuages menaçants.
L’inéluctable serait-il une affaire de quelques jours ? La dramatisation est mauvaise conseillère. Les deux situations ne sont pas comparables. A Tchernobyl la catastrophe était imputable à un lourd dysfonctionnement technique dû lui-même à l’incurie de l’administration soviétique de l’époque. A Zaporijjia c’est l’impact du contexte militaire qui interroge. On peut craindre que la Russie soit tentée par une opération suicide au cas où le sort des armes ne jouerait pas en sa faveur. Mais, pour le moment, Poutine ne semble pas encore assez fou pour s’enferrer dans une voie sans issue pour lui et pour s’exposer à de dures représailles de l’Occident. On imagine mal des voisins comme les Polonais ou les Baltes se contenter de voir des nuages radioactifs passer au-dessus de leurs têtes.
A ce stade, on assiste surtout à une guerre de symboles, avec la force de frappe du mot nucléaire. Elle ne doit pas cacher l’autre guerre, celle qui se déroule sur le terrain, avec des dizaines de morts par jour. On n’en voit toujours pas la fin.
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