Histoire de fous – L’édito de Christophe Bonnefoy
Vu d’ici, ça ressemble à une histoire de fous. Mais de fous dangereux, malheureusement. Une histoire de fous, parce que les forces du groupe Wagner semblaient vouloir – et pouvoir – inéluctablement marcher sur Moscou pour bousculer – le mot est faible – un Poutine qui n’arrive plus à se dépêtrer d’une guerre qu’il a lui-même engagée. Une histoire de fous, aussi, parce que subitement, Prigojine est reparti quasiment d’où il était venu, guidé par l’intervention du Président bélarusse dont on se demande bien quelle influence il a pu avoir sur le chef d’une milice habituellement impitoyable et en apparence incontrôlable.
Mais une histoire de fous, surtout, parce que Poutine comme Prigojine ne sont pas du genre à remballer leur fierté et oublier les événements des deux derniers jours. Et puisqu’on parle de folie, n’oublions pas que les deux hommes n’ont aucune retenue dans celle, meurtrière, qui ressemble de plus en plus à une spirale sans fin. On connaît l’absence totale de pitié de Poutine. On sait, aujourd’hui, que le chef de Wagner et ses hommes plus mafieux que soldats n’ont peur de rien. Et surtout pas de faire verser le sang.
D’accord, vu d’ici, on a du mal à comprendre cette implosion russe subitement colmatée par on ne sait quel marché, sûrement de dupes. Mais on sait, en revanche, que les hommes qui mènent la guerre à l’Ukraine et ceux qui se la font au sein même du pays pourraient bien emmener avec eux dans un trou sans fond le reste de la planète. Il serait étonnant que ce qu’on a vécu ces dernières heures ne reste qu’à l’état de mauvais rêve. Poutine, comme Prigojine, ne connaissent pas le sens du mot pardonner.
c.bonnefoy@jhm.fr