Sous les plumes du Chien
Créé en 1997 par une bande de copains, le festival du Chien à Plumes accueillera pour le plus grand plaisir de milliers de festivaliers Selah Sue, Roméo Elvis, Aldebert, Meute ou Mass Hysteria les 4, 5 et 6 août. Artisan d’une association mobilisant plus de 400 bénévoles, Eric Meunevelle livre les secrets de fabrication d’un festival à taille humaine.
JHM : Le Chien à Plumes est un festival connu de dizaines de milliers de personnes, derrière cette façade, on retrouve une association…
Eric Meunevelle : Oui, nous y tenons et nous rappelons de plus en plus que le festival du Chien à Plumes est un festival associatif, cette dimension prend toute son importance dans le contexte actuel. De plus en plus de festivals sont organisés par des entreprises qui font du commerce autour de la culture, ces grosses boites font tourner certains artistes d’une manifestation à une autre. Nous défendons notre côté associatif, nous défendons également notre position dans un territoire, de nombreux festivals s’implantent un peu n’importe, en raison d’un simple critère, le bassin de population, ce n’est pas notre cas. L’association et le festival sont nés d’une bande copains, le festival est né à Villegusien et il y est toujours.
Si l’association compte des salariés, elle mobilise de nombreux bénévoles…
E. M. : Oui, cette année, nous accueillerons 420 bénévoles pour le festival, sans eux, rien ne pourrait se faire. Tout au long de l’année, une cinquantaine de bénévoles s’investissent, certains donnent de leur temps pour organiser la gestion des équipes, des équipes pouvant compter deux comme 100 personnes. Des bénévoles du cru sont présents, certains depuis des années, d’autres sont arrivés au fil des éditions.
« La programmation est un puzzle qu’il faut assembler chaque année »
La recette du succès est connue, la programmation est un élément clé, comment vous organisez-vous ?
E. M. : Depuis deux ans, nous travaillons à deux sur la programmation, personnellement, je m’en occupe depuis longtemps, pour ne pas dire depuis le début, je peux désormais compter sur le soutien de Félix, un jeune très impliqué au sein de l’association. Nous ne sommes pas de la même génération mais nous sommes tombés d’accord sur les 30 groupes programmés cette année. Nous avons mutualisé nos accointances. La programmation est un puzzle qu’il faut assembler chaque année, nous courons après les têtes d’affiche, des groupes nous courent après, dans notre réflexion, nous laissons également une place importance aux groupes émergents ou à des coups de cœur. Au final, il y a peu d’élus ! Nous recevons des centaines de propositions chaque semaine, nous devons donc opérer un choix. Dès septembre, nous posons les bases de la programmation, jusqu’à fin mars, nous adressons des offres à certains groupes, certains répondent très rapidement, d’autres nous font attendre trois mois pour finalement nous dire non. Nous allons voir des concerts, nous regardons des concerts, mais nous travaillons également beaucoup en réseau avec les organisateurs de festivals se tenant à des dates similaires. Si Meute joue à tel endroit le vendredi et à tel endroit le dimanche, nous pouvons envisager un concert le samedi. De manière générale, nous échangeons beaucoup avec les programmateurs de festivals. Ces échanges permettent, par exemple, de savoir si accueillir un groupe peut entraîner des difficultés, parce que oui, des groupes sont plus faciles que d’autres.
Associées à la chute des ventes des albums sous un format traditionnel, les retombées économiques générées par certains événements ont entraîné une hausse des exigences financières de nombreux artistes. Etes-vous témoin de ce phénomène ?
E. M. : Pendant la période de Covid, nous pensions que tout allait se remettre d’aplomb à ce niveau. L’augmentation délirante des cachets artistiques a débuté il y a quinze ans et elle se poursuit. Des cachets sont parfois difficilement justifiables. Nous ne pouvons clairement pas nous engager avec certains artistes pour de simples raisons financières. La barrière technique est également à prendre en compte, des groupes se déplacent avec cinq semi-remorques, notre scène principale n’est pas adaptée à leurs exigences. Des artistes comme Angèle, ce n’est pas notre créneau. Shaka Ponk a joué sur la petite scène du Chien à Plumes, ce groupe a joué ici trois fois avant d’être connu, désormais, au regard de la popularité du groupe, je pense que nous arriverions à nous entendre financièrement, mais il faudrait adapter la scène et le quai de déchargement du matériel.
« L’ambiance et le lieu sont des éléments importants »
Pour un festival comme le Chien à Plumes, quel budget consacrez-vous à une tête d’affiche ?
E. M. : Pour une tête d’affiche, nous sommes dans une fourchette de 40 000 à 70 000 euros, nous n’avons jamais dépassé les 70 000 euros. A titre d’exemple, le coût pour une grosse tête d’affiche francophone est de 200 000 euros, pour une tête d’affiche internationale, le coût explose. Cette année, la globalité des cachets artistiques atteint la somme de 350 000 euros pour un budget de moins d’un million d’euros.
La qualité de la programmation attire les foules, mais les à-côtés sont également importants…
E. M. : L’ambiance et le lieu sont des éléments importants, nous avons la chance de disposer d’un espace de plus de quinze hectares, on peut poser sa voiture pendant trois jours et vivre dans sa bulle en bord de lac. Beaucoup de personnes apprécient cette dimension. Le camping accueille environ 3 000 personnes, gratuitement, nous avons d’ores et déjà ouvert les inscriptions afin d’accueillir au mieux les campeurs. Les réservations se sont envolées, c’est un bon signe, nous ne sommes pas certains qu’il y aura de la place pour tout le monde, les festivaliers pourront s’orienter sur les campings du territoire.
Des festivaliers de toute la France
Le festival accueille des festivaliers de différents horizons, savez-vous d’où viennent ces personnes ?
E. M. : Oui, nous savons que 30 % des festivaliers viennent du département, 40 % viennent des départements limitrophes et les 30 % restants viennent d’ailleurs. A l’occasion d’une étude sur la question, il y a quelques années, nous avions découvert que l’ensemble des départements de France métropolitaine étaient représentés.
Le contexte économique est tendu, avez-vous le droit à l’erreur, pouvez-vous assumer une édition avec une météo catastrophique entraînent une faible fréquentation ?
E. M. : C’est une aventure, une nouvelle aventure chaque année, nous rencontrons peut-être moins de difficultés qu’il y a dix ou quinze ans, le festival est devenu un véritable rendez-vous pour de nombreux festivaliers fidèles au Chien à Plumes. Nous savons toutefois que tout se joue à peu de choses, nous devons nous remettre en question chaque année, innover tout en gardant l’esprit du festival. Nous ne faisons jamais les marioles, nous savons qu’un festival peut rapidement rencontrer des difficultés.
Propos recueillis par Thomas Bougueliane
Développement durable
E. M. : « Nous multiplions les initiatives en matière de développement durable depuis plusieurs années, oui, c’est à la mode, mais c’est surtout essentiel. Une commission spécifique s’est mise en place, nous embauchons cette année un spécialiste afin qu’il nous apporte son expertise en la matière. Des actions très simples peuvent être mises en place, les bénévoles comme les artistes mangeront par exemple cette année avec de la vaisselle traditionnelle. Le traiteur travaillera avec des produits locaux, les professionnels des stands de restauration qui nourrissent 7 000 personnes par jour devront également respecter une charte de développement durable et privilégier les produits locaux. Le volet du tri est également important, mais le pan le plus important renvoie aux déplacements des festivaliers. Nous sommes en milieu rural, éloignés des gares, les trains sont rares… La majorité des festivaliers vient en voiture, nous essayons donc de développer le covoiturage, la mise en place de navettes entre Langres et le site du festival tout en réfléchissant à la mise en place d’un accès à vélo ».
Un Chien et sa Niche
Les activités de l’association du Chien à Plumes ne se limitent pas au festival. « La Niche existe depuis 16 ans, ce qui s’y passe est très important, nous pouvons proposer des choses tout au long de l’année ». Apprécié de jeunes comme anciens, le bal monté niché, à Dommarien, en bord de canal, n’en est pas moins vieillissant. « Nous réfléchissons avec différents acteurs à un projet de territoire. La Niche est un endroit apprécié mais nous sommes confrontés à certaines limites techniques, nous travaillons donc sur un projet de salle de spectacle digne de ce nom, avec une véritable équipe et un véritable budget de fonctionnement. Le festival porte financièrement la Niche à mais ce n’est pas son rôle. Tant que ça tourne, beaucoup s’en contentent, mais nous devons réfléchir autrement, associer les acteurs du milieu culturel autour d’un projet fédérateur. Dans le même ordre d’idée, nous espérons pouvoir mutualiser du matériel ou rapprocher les bénévoles de différentes associations ».