Commentaires (0)
Vous devez être connecté à votre compte jhm pour pouvoir commenter cet article.
un surveillant de Clairvaux témoigne : il s'est notamment retrouvé piégé au milieu de mutins (©JHM)

Clairvaux : le jour où le surveillant se retrouve piégé au milieu des mutins

un surveillant de Clairvaux témoigne : il s'est notamment retrouvé piégé au milieu de mutins (©JHM)
©JHM

Avec la fermeture de la maison centrale de Clairvaux à Villes-sous-la-Ferté (Aube), c’est « la famille » des surveillants qui est peu à peu disloquée. Walter, qui y a travaillé 24 ans durant, emmène avec lui le souvenir d’épisodes prégnants, dont celui au cours duquel il s’est retrouvé piégé au milieu de mutins.

« C’est la fin d’un livre. Clairvaux, c’est une famille ». Surveillant, Walter est catégorique : « Clairvaux, c’est à part ». Voilà près d’un quart de siècle qu’il y travaille, après avoir été affecté à Fresnes (Val-de-Marne), puis à Villenauxe-la-Grande (Aube). « Ici, beaucoup de détenus refusaient de partir ». C’est que la centrale était un lieu de détention des « longues peines ». Walter y a ainsi « connu des détenus pendant 20 ans ». Alors, oui, « les voir partir, ça m’a fait quelque chose ». Parmi eux, d’aucuns « avaient d’ailleurs la larme à l’œil ». Si les surveillants ne deviennent pas amis avec des détenus, inévitablement, des liens se créent, il y a trop de temps passé en commun. « Les trois quarts d’entre eux savent pourquoi ils sont là ». En clair, les détenus sont très généralement loin de monter sur les barricades, ils tentent plutôt d’aménager un quotidien acceptable. Toutefois, en 2003, Clairvaux a connu deux mutineries. Et Walter avait vu venir la seconde, celle qui a éclaté dans le bâtiment B, dans lequel il travaillait au 3e étage. « Tu sens les choses… ». Et le surveillant allait se retrouver dans une situation notablement anxiogène.

« S’il y a le feu, tu viens me chercher »

« En rentrant chez moi, j’ai dit : on est mardi… et vendredi, il n’y aura plus de Clairvaux ». Les détenus ne voulaient pas rentrer du sport, et leur détermination avait été aux yeux de Walter le signe qu’ils n’en resteraient pas là. Son pressentiment se confirme dès le lendemain, « à 8h, à la sortie des ateliers ». Les détenus y mettent le feu. Deux leaders montent au 3e étage. « Tu bouges pas et on te laisse. Il y a le feu aux ateliers, tu ne nous mets pas en cellule ». Walter se souvient aussitôt de ce qu’un détenu lui avait dit la veille : « s’il y a le feu, tu viens me chercher ». C’est l’autre signe qui lui avait fait penser que « ça (allait) partir ». Le surveillant file chercher le détenu isolé. Et… « (se) retrouve coincé car entretemps, tous les mutins sont montés ». Ils sont une quarantaine, il est « au milieu ». Walter renonce à prendre l’ascenseur, qui est déjà tout noirci par la fumée. Heureux réflexe car il y aurait laissé sa peau.

« J’ai refusé de donner les clés »

« Les mutins voulaient prendre mes clés. J’ai dit non ». Walter a instantanément répondu. « Si je les leur avais données, ils n’avaient plus besoin de moi ». Les détenus lui enjoignent alors d’ « ouvrir le reste des cellules ». Walter va en baver. « Ils m’ont secoué, ils m’envoyaient d’un filet à l’autre ».  Les insultes et les menaces pleuvent, aussi. « Je vais te saigner ! ». Le surveillant doit s’exécuter, et le bâtiment compte trois étages. Il sait que des détenus « auraient préféré qu’on les laisse tranquilles », refusant d’être mêlés à une émeute dont ils n’attendent rien. « Je n’ai pas eu peur ». Walter garde son sang-froid malgré les bousculades incessantes – il précise qu’il « n’a pas reçu de coup ». Et il va de nouveau faire preuve d’une présence d’esprit opportune. « Un mutin tentait vainement d’ouvrir une cellule. « Ouvre, toi ! » , hurle-t-il ». Réplique de Walter : « comment veux-tu que je fasse ? Passe-moi les clés »… et le détenu trop agité pour déverrouiller la porte… lui redonne le trousseau.

« Dans un moment pareil, les détenus ne voient que du bleu »

« Non, je n’évacue pas. Il manque Walter ». Un personnel renonce à sortir de la centrale totalement sens dessus dessous. « C’est un gradé qui est venu me chercher ». Walter, tout seul au milieu des mutins, lui est infiniment reconnaissant. « C’est la seule personne de l’administration pénitentiaire envers laquelle je me sens redevable ». Walter pouvait naturellement redouter de servir d’abcès de fixation de la colère qui avait explosé. « Dans un moment pareil, il n’y a plus la personne, les détenus ne voient que du bleu ». Le gradé finit d’ouvrir les cellules avec Walter. Deuxième étage, premier… La sirène continue de retentir. Ce sont finalement des équipes de collègues, armés de fusils cette fois, qui vont contenir les mutins sur le terrain de sport. L’émeute est jugulée.

Fabienne Ausserre

f.ausserre@jhm.fr

Effet télé

Parmi les détenus qui sont passés par Clairvaux, des noms sont inévitablement hélas célèbres. Comme Guy Georges. « Après qu’une émission de télévision lui a été consacrée, il n’est plus du tout sorti de sa cellule ». Le détenu va même « demander à être placé à l’isolement ».

Radicalisation

Walter reste impressionné par le processus de radicalisation de détenus. La technique est rodée. « On commence par les protéger ». Une aubaine pour le nouvel arrivant, qui doit se faire une place. « Ça va vite, et on ne le reconnaît plus du tout ».

Vidéo

C’est depuis Clairvaux qu’en mars 2012, Youssouf Fofana, le chef du gang des barbares qui a supplicié Ilan Halimi, poste des vidéos faisant l’apologie d’al-Qaïda sur le web. Il en aurait déjà posté avant d’arriver dans la centrale de l’Aube, en novembre 2011.

Tentative d’évasion ?

Autre nom de détenu de Clairvaux tristement célèbre : Ali Belkacem, auteur de l’attentat de la station de métro Musée d’Orsay, en 1995. Dont « une dizaine de personnes », interpellées à Bar-sur-Aube, prépareraient l’évasion. « Ils devaient faire péter deux miradors et défoncer le mur d’enceinte », indique Walter.

Sur le même sujet...

Les impôts en ligne, c’est facile ?
Eclaron-Braucourt-Sainte-Livière, Éclaron-Braucourt-Sainte-Livière
Les impôts en ligne, c’est facile ?
Société , Vie quotidienne

Dans le cadre de l’accompagnement numérique proposé par la commune, visant notamment les seniors, la conseillère numérique Charline Ortillon a animé un atelier thématique sur les impôts en ligne mercredi(...)

Dommartin-le-Saint-Père
Le bus pour l’autonomie présent au village
Seniors , Société , Vie quotidienne

Lundi 22 avril, en après-midi, le bus  de l’autonomie était présent à Dommartin. Emanant du Conseil départemental, équipé avec l’aide de divers sponsors et supporté par l’ADMR, c’est un véritable(...)

Chaumont, Langres, Saint-Dizier
L’itinérance au service des plus fragiles, premier bilan
Société , Vie quotidienne

Solidarité. Le van itinérant Louise et Michel.e, mis en place par le CIDFF, a bouclé ses six premiers mois d’itinérance, d’accueil, d’écoute et de conseil. Un premier bilan atteste de(...)