Passion fatale – l’édito de Patrice Chabanet
Arman Soldin, journaliste à l’AFP, a été tué en Ukraine. Une roquette et c’est la vie professionnelle qui bascule dans le drame. La passion du métier devenue fatale. La mort de notre confrère nous rappelle cruellement les risques pris par les reporters de guerre. Contrairement à ce que des raisonnements simplistes peuvent nous faire croire, ce ne sont pas des têtes brûlées. Ils nous plongent dans la réalité des combats, loin des cartes d’états-majors et des savantes explications techniques.
D’autres reporters, d’autres photographes, d’autres cameramen sont tombés. Les risques du métier sans doute, mais toujours injustes. Doit-on mourir quand sa première motivation est d’être le témoin de son époque, y compris dans ses recoins les plus sombres, la guerre? La mort n’est pas toujours le prix à payer. On pense, sans succomber au piège du corporatisme, à tous ces journalistes embastillés dans de très nombreux pays pour avoir défendu la liberté d’expression. Chaque jour, la Russie nous en fournit un exemple caricatural.
Le parquet antiterroriste vient d’ouvrir une enquête pour crime de guerre après la mort d’Arman Soldin. Cela peut paraître dérisoire. Comment remonter la chaîne de commandement de l’unité qui a décidé le tir de roquettes ? Les autorités russes, telles qu’elles sont, ne permettront jamais des investigations sur leur territoire. Alors que faire ? Pas grand-chose, si ce n’est améliorer, toujours et encore, la protection matérielle de ces combattants de l’information. Et se souvenir en permanence qu’ils ont pris le parti de nous informer en assumant tous les risques.