Destins croisés de Simone Veil et d’une famille bourbonnaise déportée

Ce rendez-vous a été proposé à l’initiative de Jean-Pierre Nicolas, docteur en Sciences sociales, originaire de la cité thermale, qui a pu, lors de cette projection, raconter l’histoire tragique de toute une famille bourbonnaise, victime de la déportation. En présence d’une assistance étoffée, l’intervenant a rappelé que le processus mémoriel engagé est né de la découverte, en mars 2020, dans la maison de Léa et Gilbert Beau, décédés depuis peu, par leurs enfants, des photos de Benjamin Makowski, 42 ans en 1941, de Denise, 14 ans, et Gilbert, 3 ans et demi. Mais hélas aucune trace de celles de la maman, Selma, 43 ans, ni d’Elie, 15 ans, en 1944. Ces photos retrouvées ont été versées par les soins de l’intervenant au Mémorial de la Shoah.

Un neveu qui retrouve le fil de l’histoire familiale

Or, un incroyable événement s’est produit, a raconté Jean-Pierre Nicolas. Il se trouve que Benjamin avait un frère qui a été assassiné par les Allemands en Dordogne. Le fils de ce dernier, Gérard, n’avait qu’un an en 1942 et n’aura quasiment pas connu son père et les membres de sa famille. Jean-Pierre Nicolas a reçu une lettre très délicate du Mémorial l’invitant à entrer en contact avec ce neveu qui était passé au Mémorial et auquel avaient été présentées ces photos.

En juin 2022, Jean-Pierre Nicolas est donc entré en contact avec Gérard, sociologue, et son épouse Sarah, psychologue clinicienne, leur permettant d’échanger sur l’histoire de cette famille bourbonnaise. Gérard et Sarah Makowski ont d’ailleurs spécialement fait le déplacement à Bourbonne ce samedi soir.

Sur le plan local, l’intervenant a rappelé à l’assistance qu’Isaak Frydel fut le premier déporté de Bourbonne en juin 1941. Puis en 1944, Aloïs Brunner, officier SS autrichien, antisémite enragé, est chargé par Eichmann d’accélérer les transferts vers les camps de la mort.

Françoise et Denise, de Bourbonne au convoi 68

Le 27 janvier 1944, quelque 100 Haut-Marnais dont 30 Juifs habitant Bourbonne-les-Bains sont arrêtés. Le 10 février 1944, le convoi 68 part de Drancy avec 30 Bourbonnais dont deux adolescentes légèrement plus jeunes que Simone Jacob, née en 1927, qui deviendra Simone Veil. Françoise Frydel avait vu le jour en 1928 et Denise Makowski en 1931. Les deux Bourbonnaises seront exterminées le 13 février.

Ce qui est terrible, c’est qu’à la sélection après la descente du train, sur la Rampe d’arrivée, Simone Jacob « mentira sur son âge » suite à un conseil qui lui fut donné par une détenue du camp (Ndlr : Les spectateurs ont pu voir cette scène dans le film). Elle sera sauvée parce qu’elle a déclaré qu’elle avait 18 ans.

Françoise et Denise ne pourront pas tricher sur leur âge. Elles montèrent dans les camions qui les acheminèrent vers les grandes salles de gazage (ces lieux figurent aussi dans le film), contenant de 1 500 à 2 000 personnes. C’est le 13 avril (soit deux mois plus tard) que Simone Jacob, future Simone Veil, quittera Drancy avec le convoi 71.

De notre correspondant Noël Overney

Souvenir. La Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation a connu un moment marquant à Bourbonne-les-Bains avec la projection, samedi 29 avril, au cinéma du casino, du long-métrage “Simone le voyage du siècle”, qui retrace le parcours de Simone Veil. L’occasion d’évoquer aussi le destin tragique d’une famille bourbonnaise déportée.