Le versatile citoyen Brayer
Tour à tour soldat du roi, commandant des volontaires de Langres, adjudant-général de la République, Antoine Brayer n’en était pas, comme beaucoup d’hommes de son époque, à une contradiction près, fustigeant le « drapeau blanc abhorré » sous la Révolution puis implorant « le meilleur des rois » à la Restauration . Evocation inédite d’un curieux personnage.
Si l’on en croit son acte de baptême figurant dans son dossier militaire, Antoine Brayer serait né à Langres le 24 décembre 1756. Fils d’un maître boulanger originaire de Chalindrey, il embrasse à l’âge de 18 ans la carrière militaire. Lui qui a notamment séjourné en Corse se marie à Langres en 1779 puis rejoint la maréchaussée. Il était en poste à Fayl-Billot au moment de la Révolution, qui lui permet, à 37 ans, d’être nommé commandant du 1er bataillon de réquisition du district de Langres.
Moins réputé que son homologue chaumontais, le bataillon de Langres a l’occasion de se battre lui aussi en Alsace, fin novembre 1793. Mais le citoyen Brayer est loin d’y faire l’unanimité. Au point d’être dénoncé en mars 1794, au ministère de la Guerre, par la Société républicaine de Fayl-Billot, qui relaie des accusations de lâcheté au combat proférées par ses officiers.
Retiré à Torcenay
Cela ne nuit pas à sa carrière puisqu’en mai 1794, le célèbre représentant du peuple Saint-Just, qui l’a vu combattre, nomme Brayer adjudant-général chef de brigade, fonction qui correspond à celle de colonel. S’entourant d’adjoints originaires de son “pays” (Badet, de Prauthoy, Varney, du Pailly, Daubrive, de Fayl-Billot), le fils de boulanger sert à l’armée de Sambre-et-Meuse, en Belgique et en Hollande. Il a même l’occasion d’être cité pour sa conduite aux affaires de Dietz en septembre 1795 et de la campagne entre le Rhin et le Main en août 1796.
Mais la République n’a pas de poste à lui confier lorsqu’elle réorganise ses troupes d’Allemagne. Alors Brayer se retire en Haute-Marne, à Torcenay. Là, il conspue « la morgue des émigrés » et « le drapeau blanc abhorré ». A cette époque, on ne fait pas plus “sans-culotte” que lui. Mais s’il obtient enfin de reprendre du service, c’est non pas en qualité de chef de brigade, mais de chef d’escadron de gendarmerie nationale, en février 1798.
Malversations
Le Langrois était en poste à Aix-la-Chapelle, sous le Consulat, lorsqu’il est rattrapé par une affaire de malversations qu’il aurait commises quand il servait dans le Cher. Condamné en mai 1801 par un conseil de guerre qui s’est tenu à Poitiers, Brayer est emprisonné jusqu’au remboursement de sa dette et destitué.
Service bref
Les temps ont changé. Le Consulat a fait place à l’Empire. L’ex-commandant Brayer sollicite un emploi dans l’armée napoléonienne. En vain. Alors, selon ses déclarations, il s’établit en Vendée. Il avait gagné Paris pour régler la question de sa retraite lorsque la Restauration – le roi Louis XVIII était entre-temps revenu sur le trône – l’appelle en mars 1815 à servir comme adjudant-commandant (colonel) en Seine-et-Marne. Elle est loin, l’époque où il « abhorrait » le drapeau blanc… Toutefois, ce service est bref, puisqu’au retour de Napoléon (les Cent-Jours), il ne semble pas avoir été employé. En revanche, après Waterloo, il est affecté à l’armée de la Loire, jusqu’à son licenciement en juillet 1815.
Dès lors, Antoine Brayer s’établit à Paris, où l’ancien protégé de Saint-Just ne cesse de réclamer au « meilleur des rois » une solde de retraite. Marié dans la capitale en 1820, père de deux enfants en bas âge, il semble n’avoir jamais obtenu satisfaction. Si son dossier ne conserve plus de trace de requête, c’est peut-être parce que l’ancien officier correspond à cet Antoine Brayer décédé à Paris le 7 février 1825, selon l’état civil reconstitué de la capitale.
Lionel Fontaine
Victime d’une homonymie
Après la deuxième abdication de Napoléon, les autorités du royaume ont tout fait pour retrouver la trace, à Fayl-Billot, d’un nommé Brayer. En fait, il ne s’agissait pas de l’officier langrois, mais du général Michel Brayer (1769-1840), comte d’Empire, condamné à mort par contumace en 1816. Exilé en Prusse puis aux Etats-Unis, ce général Brayer devait servir dans l’armée du Chili avant de rentrer en France. Il n’avait aucun lien de parenté avec Antoine Brayer, qui, toutefois, se serait effectivement réfugié à Fayl-Billot dans le courant de l’année 1815.