Baissey : son histoire, ses légendes
Dans le cadre de ses visites de villages, la Société historique de Langres (Shal) a emmené plus de 50 personnes à la découverte de Baissey. Partons sur les pas d’Alain Catherinet, historien et guide, accompagné de Pierre Gariot, président de la Shal et Patrick Mielle, maire et fin connaisseur de son village natal.
Bâti à la rupture du plateau de Langres, sur la plaine de la Saône, Baissey est situé dans le bassin de La Vingeanne, surplombant de son éperon escarpé deux vallées parsemées de bois, de prés, de champs, de vergers et de vignes. C’est un des plus vieux villages de la montagne de Langres. De nombreux sarcophages des VIe et VIIe siècles ont été exhumés lors de travaux à proximité de la place de la chapelle. En 870, l’évêque de Langres Isaac, seigneur primitif du village et collateur de la cure, tint aussi en ce lieu un important synode devenu célèbre. De la même époque, plusieurs actes datés de Baissey montrent l’ancienneté de cet ancien et important village carolingien, qui s’étendait autrefois jusqu’au territoire d’Aprey. C’est sans doute ce qui permet de comprendre que Baissey possède actuellement une forêt de 500 ha sur le territoire de ce dernier village. Une légende dit que dans les temps anciens, une comtesse de Grancey qui possédait ce bois s’y était égarée. Prise de panique à la nuit venue, elle fit le vœu de donner son bois au premier village qui lui permettrait de s’orienter grâce au son de ses cloches, et c’est du village de Baissey que parvint le son du premier carillon lui permettant de se guider. C’est ainsi que la comtesse respectera son vœu.
L’évêque de Langres, autrefois co-seigneur et décimateur du lieu, devint l’unique seigneur du village après avoir racheté l’ensemble de la seigneurie au cours du XIIIe siècle. Il fit alors de Baissey le siège d’une prévôté avec officiers de justice, qui rayonnait sur les villages d’Aujeurres, Leuchey et Verseilles.
L’église rénovée
Beaucoup de détails, sur la construction et l’histoire de l’église située sur le rebord du plateau dominant le village actuel, ont été révélé. Résumons : son chœur sans transept du XIIe siècle avec ses pilastres privés de chapiteaux est la chapelle seigneuriale. La fenêtre du chevet qui a été reprise au XVIe siècle en style gothique flamboyant, vient d’être rouverte derrière le retable. Celui-ci, provenant d’un atelier langrois du XVIIIe siècle, est monumental. La nef actuelle, à trois vaisseaux, a été reconstruite à partir de 1773, mais sa toiture ayant été modifiée par la suite en pan unique, les oculus supérieurs sont maintenant borgnes. Le clocher massif et défensif a été élevé au XIIIe siècle, et possède trois horloges à aiguille unique à la mode des horloges primitives des XIV-XVe siècles. L ‘ensemble de l’église a fait l’objet d’une importante restauration extérieure ces dernières années à l’initiative de la municipalité, avec la réouverture de sa porte nord et la rénovation des portes ouest et sud.
Le groupe s’est ensuite dirigé vers les vestiges voisins de l’ancien château de l’évêque, situés juste sous la mairie actuelle. L’évêque avait à Baissey une tour-donjon sur un espace fossoyé et palissé surmontant l’église, avec bâtiment de justice sur l’emplacement de l’actuelle mairie et salle de convivialité. Cette tour étant tombée au pouvoir des Anglais pendant la guerre de Cent ans, fut reprise par les milices langroises royalistes, et rasée en 1432 comme toutes les maisons-fortes de l’évêque de la région, avec l’approbation du roi Charles VII. Elle fut reconstruite par la suite et les murs de la salle basse de cette nouvelle tour ont été doublés afin de supporter la reconstruction. Rénovée en 2018 à l’initiative de la municipalité, c’est aujourd’hui un lieu intimiste de convivialité.
Sarcophages exhumés
La visite s’est poursuivie dans le haut du village, sur la place de la chapelle où de nombreux sarcophages ont été exhumés, et d’autres encore, lors de travaux d’adduction d’eau, entre les routes de Villiers-lès-Aprey et Aprey, au lieu-dit La Croix du Cimetière. Il est à croire que le village ancien de cette époque était situé entre l’église actuelle et la place.
Un arrêt s’imposait, rue Mgr de Langres, dans la cour carrée de l’école des sœurs de la Providence de Portieux établie dans ce village en 1855. Puis devant le bâtiment privé de la prévôté, place du Calvaire. Ce bâtiment du XIIIe siècle, qui abritait l’ensemble de l’administration des officiers de l’évêque, a été remanié plusieurs fois, comme en témoignent les dates de 1567 au sommet de la porte charretière et de 1724 sur le linteau de la porte piétonne. A gauche de la façade, un logement à l’étage avec sa pierre à eau et ses fenêtres à meneaux, témoignent de la première restauration.
En s’engageant dans la rue du Preslot, le groupe a pu observer une ancienne maison vigneronne du XVI-XVIIe siècle encore en bon état général, avec son escalier en pierre montant à l’étage, ses corbeaux sous la toiture et ses ouvertures entièrement moulurées. Et un ancien manoir avec tourelle entièrement réhabilité par la famille Houdart de Dijon, seule maison dont les façades et la toiture sont classés Monument Historique à Baissey.
Traversant la place entièrement remaniée, tous se sont dirigés vers le moulin hydraulique très ancien, avec son bief creusé à flanc de coteau sur une longueur de 1 147 m, sa chute d’eau de 7 m, sa roue à augets rénovée. C’est l’un des derniers témoins dans la région de la meunerie villageoise traditionnelle, avec le moulin d’Orcevaux. Un imposant calvaire, un lavoir communal réhabilité, avec deux auges extérieures (sur les trois) qui ont été repositionnées contre la façade, redonnent un aspect traditionnel du plus bel effet à ce bâtiment communal.
Baissey, riche de ses 175 habitants, mériterait d’autres visites pour découvrir aussi ses anciennes façades Renaissance disséminées dans tout le village, et son magnifique point de vue depuis les abords de l’église.
De notre correspondante
Annick Doucey