Le Baralbin Christophe Claro prend la direction des éditions Inculte
L’écrivain, traducteur et poète Christophe Claro, plus connu sous le simple nom de Claro, vient de prendre la tête des éditions Inculte. L’annonce est parue sur le site des professionnels du livre, Livres Hebdo. Installé à Bar-sur-Aube depuis deux ans, l’éditeur a des attaches en Haute-Marne.
La maison d’édition Inculte a ceci de particulier qu’elle s’est constituée autour d’un collectif d’écrivains et de philosophes* et d’une revue, la revue Inculte, au début des années 2000. Sa ligne éditoriale oscille alors entre traductions, littérature contemporaine et essais philosophiques alternatifs. Au fil des années, ce projet collectif s’est étoffé avec l’apparition de plusieurs collections : littérature française et étrangère, essais, anthologies, documents et monographies, à raison d’une vingtaine de titres par an. Claro a fait partie des membres fondateurs du collectif. L’auteur a longtemps vécu à Lamothe-en-Blaisy, où il possède toujours une résidence secondaire.
L’ancien maire, Christian Delacroix, se souvient de la célébration de son mariage avec la cinéaste Marion Laine il y a plus de 20 ans, en septembre 2000, dans la petite mairie du village.
Traducteur de Thomas Pynchon ou Salman Rushdie
Le couple a quitté Paris en 2021 pour s’installer définitivement dans l’Aube, où Marion a des attaches familiales. Claro est connu pour ses nombreux romans, ses essais littéraires et ses traductions. Il a notamment traduit et fait connaître au public français de grands auteurs anglo-saxons, tels que Thomas Pynchon, Hubert Selby Jr ou encore Salman Rushdie. Grand lecteur de poésie, il anime également un blog littéraire depuis 2007 “Le clavier cannibale” et s’est lancé dans l’écriture presque exclusive d’essais littéraires et poétiques.
Son dernier recueil, “Animal errant, retour d’abattoir” est paru le 11 janvier chez Flammarion. En tant qu’éditeur, Claro consacre beaucoup de temps à lire des manuscrits, qu’ils soient l’œuvre d’auteurs réputés, comme le philosophe Bruce Bégout, ou d’anonymes, comme celui de Charlotte Bourlard, “L’apparence du vivant” (premier roman, prix Sade 2022) ou encore d’Aurélie Chenot, sa voisine de Lamothe, qui avait glissé quelques exemplaires du Jhm “Mag” consacrés à la préhistoire de la Boisserie dans sa boîte aux lettres (“Colombey est une fête”, éditions Inculte, mars 2022). Une autre écrivaine, Sophie Poirier, témoigne : « Si mon manuscrit Le Signal est devenu un livre chez Inculte, c’est parce qu’il a été lu (envoyé par La Poste) par Claro ».
*Bruce Bégout, Arno Bertina, Alexandre Civico, Claro, Mathias Enard, Hélène Gaudy, Maylis de Kérangal, Mathieu Larnaudie, Charles Recoursé, Nicolas Richard, Olivier Rohe, Joy Sorman et Jérôme Schmidt.
« Il suffit d’un lecteur, d’un seul, pour qu’un livre se relève d’entre les morts »
Extraits d’une lettre adressée par Claro à son prochain livre, diffusée sur le site de France Inter le 29 mai 2020. Dans celle-ci, il interroge l’acte d’écrire, célèbre la magie de la phrase ainsi que le pouvoir, parfois terrifiant, du langage.
« Lamothe-en-Blaisy, le 28 mai 2020
Au livre à venir,
A écrire une lettre, je me casserai je crois les ongles, car une lettre n’est-ce pas se veut envol, décochée la voilà qui file, fend l’air mental, l’air géographique, c’est bel et bien une adresse, au sens rhétorique, et qui profitant des vents intimes de la pensée est adressée à quelqu’un, au sens physique, un autre qui a pareillement une adresse, ainsi l’adresse va à l’adresse, la bonne adresse, et pour cela il faut dit-on aussi s’armer d’un soupçon de grâce, il faut cette qualité que désigne également le mot adresse, (…) hélas, mon travail à moi est tout entier acquis à la maladresse, la mauvaise adresse, c’est mon pain quotidien, mon charbon comestible, et quand j’écris je sais que je ne m’adresse pas, je sais il n’y a pas de point de chute, pas de chute à l’extrémité du trajet entrepris par le texte, pas de destinataire caché dans les herbes,
(…) Quand j’écris, je n’y suis pour personne, à la lettre je suis absent, tout entier absent, passé passant dans autre chose, tout autre chose, je suis au mieux le vide agacé qui secoue la matière de mon livre – en ces temps où l’isolement est la dernière chose à pouvoir nous rapprocher, il se trouve qu’un de mes livres s’est retrouvé en cale sèche, hors de portée des mains et des yeux, confiné lui aussi : la belle affaire ! vivra-t-il vivra-t-il pas ? Si j’en avais le souci à quoi bon me servirait la peur du langage ? Ce n’est qu’un livre, un enfant perdu de plus dans cette étrange forêt que conchient jour et nuit des bûcherons aveugles, un simple organe de papier qu’un rien toutefois peut réanimer à sa guise, puisqu’il suffit d’un lecteur d’un seul pour qu’un livre se relève d’entre les morts, il existe en librairie ce qu’on appelle un “rayon poésie” : miel et soleil réunis.
Longue vie aux abeilles. »