Les mots et l’instant – L’édito de Christophe Bonnefoy
Il y a l’instant médiatique, il y a le temps judiciaire. Dit autrement, l’instant de la réaction populaire, à chaud et parallèlement, le temps – long – du travail de ceux qui ont à enquêter, à défendre, puis à condamner au bout du compte, le cas échéant. Il y a l’instant de la réaction charnelle et le temps des textes qu’on interprète, ce dernier allant souvent dans le sens d’une certaine indécence. Ou ressenti comme tel. On réagit évidemment de manière différente, selon qu’on observe les affaires ou qu’on en est acteur. Qu’on s’identifie aux victimes ou qu’on aborde le fait divers en professionnel. L’immédiateté contre la compréhension des faits, beaucoup plus longue.
C’est vrai dans l’affaire Palmade. C’est vrai, aussi, dans la terrible mort de cette professeure d’espagnol à Saint-Jean-de-Luz. Le sentiment est, viscéralement, à la colère. Pour l’avocat du jeune élève qui l’a tuée, c’est l’inverse. La loi, seulement la loi… et un travail plus réfléchi, si l’on peut dire, dans la durée, dans l’intérêt du client.
On peut bien sûr tout entendre. Et on est obligé de comprendre, de gré ou de force, qu’à l’émotion bien légitime doit répondre une approche dans les règles, de la part des hommes de loi. Et en l’occurrence du conseil du jeune homme de 16 ans.
Il apparaît toutefois bien compliqué d’écouter l’avocat d’un lycéen qui paraît-il avait entendu des voix avant de passer à l’acte et dont le passé récent semblait assez compliqué psychologiquement parlant, affirmer que le jeune homme avait semble-t-il par son acte « réglé un conflit avec lui-même ». Un conflit réglé par la mort d’une professeure, ne l’oublions pas. Difficile à encaisser. Sauf à être capable de dissocier volonté de “chercher des explications” et tentative de “trouver des excuses”. Trop tôt, même si la ligne de défense apparaît ici déjà évidente.