Des chiens pour protéger les troupeaux
Éleveur de brebis, Pierre Denis vante le retour aux chiens pour garantir la protection des troupeaux. Rencontre avec Jota, un gardien qui en impose.
Lorsque Pierre Denis arrive à l’entrée de sa pâture, à Eriseul, le bélier surgit au pas de course. Normal, c’est l’heure du repas ! Les brebis suivent avec leurs agneaux. Dans la masse, on repère une morphologie différente et une démarche plus pataude. Il s’agit de Jota. Un bon gros père de 60 kg, né du croisement entre un berger d’Anatolie et d’un Matin Espagnol. Il ressemble à s’y méprendre au fameux Patou, protecteur de troupeaux. Normal, c’est presque la même chose si ce n’est que sa robe est dorée et assez proche de celle des moutons avec lesquels il reste toute l’année. Hiver comme été, Jota garde son (petit) troupeau à Eriseul.
Content de voir son maître
Le chien fait la fête à son maître. Pierre Denis n’est pas venu les mains vides : il apporte la pitance quotidienne de son fidèle gardien. Mais avant de dévorer le contenu de son énorme gamelle, le toutou profite de caresses et grattouilles. Il se roule même par terre. Ce n’est pas un nounours pour autant. La pancarte installée à l’entrée, avertit les promeneurs sur la marche à suivre : le chien de protection est là pour protéger les brebis sur leur territoire. Il ne s’agit donc pas d’y pénétrer et de menacer celles-ci.
Pierre Denis s’est intéressé aux chiens de protection de troupeaux il y a neuf ans suite à des attaques sur son cheptel. « J’ai eu trois béliers morts et un autre grièvement blessé mais qui a pu être sauvé », raconte-t-il. Mais le loup n’y était pour rien : il s’agissait de chiens de chasse égarés et probablement affamés. « J’avais déjà eu des attaques de chiens. C’est pour cette raison que j’ai décidé de prendre des chiens de protection. »
Des conseils auprès d’un expert en chiens de protection
Après bien des recherches et des contacts, il a fait connaissance avec un éleveur spécialisé qui adoptait un état d’esprit qui l’a de suite séduit. Mathieu Mauriès, berger comportementaliste, lui a fourni deux chiots sélectionnés pour leur génétique. Pierre Denis a perdu le premier (Jerez) suite à une maladie des tiques à l’automne dernier. Il lui reste Jota. Et depuis que les protecteurs sont là, il n’y a pas eu de nouvelles attaques. « On sait qu’il y a un loup qui passe de temps en temps dans le secteur… » Il faut compter aux alentours de 800 € pour l’acquisition d’un tel chien.
Quant aux craintes qu’ont certains éleveurs de voir les patous ou chiens s’en approchant attaquer les randonneurs ou promeneurs lorsqu’ils passent à proximité d’un troupeau, Pierre Denis se veut rassurant : « Comme vous le voyez, ces chiens ne sont pas méchants. Mais ils sont sensibles. Il faut les habituer à la présence de l’homme et ça se passe bien », reprend le berger qui est le mâle alpha. « Le chien arrive en aboyant, c’est normal. On ne bouge pas et on le laisse nous renifler. » Quant aux autres chiens, les risques sont limités puisqu’ils sentent d’eux-mêmes qu’il ne fait pas bon venir rôder par ici ! Idem pour les renards.
Un chien d’extérieur
Jota n’a jamais mis les pieds dans une maison. C’est un chien d’extérieur exclusivement. Sa simple présence est dissuasive. Le gros chien ne lâche pas les brebis et fait ses rondes pour marquer le territoire. Et en cette période de mise bas, il assiste les brebis. « S’il y a deux agneaux, il s’occupe de lécher le premier pendant que naît le second », ajoute Pierre Denis.
L’éleveur est convaincu de l’utilité d’avoir un tel protecteur et est prêt à le faire découvrir à quiconque est intéressé. « C’est vrai que pour ceux qui ont des parcs séparés cela peut être compliqué. Mais quand c’est possible, ça marche très bien. »
S. C. S.
s.chapron@jhm.fr
Membre de la commission des grands carnivores
Membre de Nature Haute-Marne, naturaliste et ancien animateur à la Maison de Courcelles, Pierre Denis s’est lancé comme berger en 2003. A 72 ans, il est à la retraite, mais conserve un petit troupeau. « Je représente l’association Nature Haute-Marne à la commission des grands carnivores », précise-t-il aussi. Au moment de son installation en tant que moutonnier, il y a 20 ans, Pierre Denis se doutait que le loup ne tarderait pas signer son retour en terres haut-marnaises.