Le berger à la bergère – L’édito de Christophe Bonnefoy
Au berger au pas de course à Kiev, répond la bergère en roue libre à Moscou. La visite surprise de Joe Biden en Ukraine aura a minima marqué les esprits. Mais on devine qu’elle s’accompagnera, aussi, de conséquences sur le terrain militaire. Et pas que militaire, finalement. La réponse de Vladimir Poutine ce mardi matin, dans un discours presque fleuve dont il est le spécialiste, pose, lui, à nouveau, l’état d’esprit de ce chef de guerre plus soviétique que russe. La diatribe dont on était familier pendant une guerre froide qui semble reprendre du poil de la bête, conflit sanglant en prime du côté de l’Ukraine, est simple à résumer : «Belle et grande Russie, méchant Occident».
Voilà maintenant un an que, n’inversons pas les rôles, l’armée russe a attaqué l’Ukraine. On se doute bien que, sous prétexte pour l’Europe – et c’est normal – de défendre une nation agressée, les intérêts ne sont pas qu’humanistes. L’équilibre mondial se construit bien évidemment sur la paix et la défense des opprimés. Mais il serait naïf d’imaginer que chacun ne trouve pas son compte, ou espère le trouver, à terme, d’un point de vue plus stratégique. Reste que l’urgence est surtout, aujourd’hui, d’enrayer cette spirale mortifère, alimentée par d’incessantes surenchères.
C’est bien cela qui est le plus inquiétant. Pendant un an, l’UE, notamment et Emmanuel Macron en tête, a sans cesse tenté de redonner sa place à la discussion, à la diplomatie même, en rééquilibrant toutefois son action par des sanctions économiques et la fourniture d’armes.
Aujourd’hui, les négociations en coulisse sont sûrement encore d’actualité. Mais parallèlement, on assiste au grand retour d’un tête contre tête, d’un violent mano a mano, presque, entre Russes et Américains. Ce mardi soir encore, avec l’intervention de Joe Biden en Pologne.
C’est ce qui est le plus inquiétant. Difficile de définir de quoi seront faites les prochaines semaines. Mais le regain de tension est palpable. Et le triste anniversaire que l’on s’apprête à vivre sera à coup sûr un tournant. On l’espère, pas vers pire encore…