Commentaires (0)
Vous devez être connecté à votre compte jhm pour pouvoir commenter cet article.

De Santenoge à Buchenwald : itinéraire d’un adolescent

André Pesce, tombé entre les mains de la police française. (Source : Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle).

Dans les Vosges, en Seine-Maritime, à Paris : le jeune André Pesce, natif de Santenoge, aura erré pendant trois mois au nord de la Loire pour échapper aux recherches de la police qui le suspectait d’avoir commis des sabotages. Finalement arrêté à Epinal, ce Haut-Marnais de 17 ans ne devait pas revenir de déportation.

Santenoge, près d’Auberive, est le village natal d’André Collin. Il y a vu le jour le 10 janvier 1927, fils de Jeanne Collin. Après le mariage de sa mère, André Collin prend le nom de son beau-père qui l’a adopté : Pesce. L’enfance du jeune Haut-Marnais se passe à Récourt, près de Montigny-le-Roi. Puis il intègre comme élève l’école d’agriculture de Malroy, entre Montigny et Bourbonne-les-Bains.

Au début de l’Occupation, André Pesce part travailler comme commis de culture à Chaumousey, dans les Vosges, où ses parents se sont établis avant de s’installer à Neuilly-l’Evêque. Puis, mi-septembre 1942, l’adolescent de 15 ans devient employé d’un agriculteur d’Hadol, toujours dans les Vosges.

Deux fois évadé

Sans appartenir à un groupe de résistance constitué, le jeune Haut-Marnais se livre à des sabotages, d’abord contre une laiterie à Xertigny, puis sur la voie ferrée à Dounoux, les 12 et 17 octobre 1943. Les dégâts sont minimes, mais recherché, André Pesce décide par mesure de précaution de quitter les Vosges aux environs du 20 octobre 1943.

Il se rend d’abord en Normandie. Selon ses déclarations, il se fait embaucher comme machiniste au sein de l’Organisation Todt, l’organisme allemand chargé de la construction du Mur de l’Atlantique avec de la main d’œuvre française. Mais il est arrêté par la feldgendarmerie pour une affaire de vol de tabac.

La suite des événements, il l’a racontée ultérieurement aux enquêteurs (lire l’encadré) : conduit à Forges-les-Eaux (Seine-Maritime), il parvient à s’évader. André Pesce décide de gagner Paris mais il est de nouveau arrêté lors du trajet, ramené à Forges-les-Eaux d’où il s’évade encore. Direction Paris, où il trouve un refuge à Asnières chez un couple croisé dans le train.

Reconnu par un gendarme

Le jeune homme envisage un temps de rentrer dans les Vosges pour s’y cacher. Mais là-bas le « coin n’est pas sûr » pour lui (il est toujours recherché). Aussi revient-il à Paris le 18 décembre 1943. Là, un homme, vraisemblablement responsable des Francs-tireurs et partisans français, lui conseille de se faire décolorer les cheveux, avant de lui remettre le 10 janvier 1944 une fausse carte d’identité pour repartir en Lorraine. Officiellement, André Pesce part retrouver sa grand-mère en Haute-Marne. Mais sans doute va-t-il rejoindre un groupe de résistants.

Le 11 janvier 1944, en gare d’Epinal, il est reconnu par un gendarme de Xertigny et immédiatement arrêté. Incarcéré à la maison d’arrêt, il est interrogé par la brigade régionale de police de sûreté de Nancy, tant à Paris où il s’était réfugié qu’à Epinal. A la suite de ses déclarations, un jeune Vosgien employé comme lui à Hadol, Léon Tourdot, est arrêté. Cet homme nie les faits qui lui sont reprochés et parvient même, dans la nuit du 23 au 24 janvier 1944, à s’évader des locaux de l’intendance de police de Nancy.

Transféré à Besançon, le jeune homme ne bénéficiera que de peu de mansuétude en raison de son âge. Il est déporté le 24 juin 1944 à Buchenwald. Il y décède le 6 mars 1945, à l’âge de 18 ans. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Neuilly-l’Evêque.

Lionel Fontaine

Source : dossier d’enquête de la police française conservé par les Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle. 

Redoutable police de sûreté

La libre consultation depuis quelques années des archives de l’Occupation et de la Libération permet de porter un regard nouveau sur les activités de la police française. Il ne s’agit pas ici de la police municipale, qui a compté de grands résistants dans ses rangs (par exemple Armand Charrié et Jean Eglenne, à Chaumont), mais de la police de sûreté, spécialisée dans la lutte contre les organisations communistes et gaullistes. Au cœur de trois régions, la Haute-Marne a vu ainsi opérer les agents de trois brigades régionales de police : celles de Dijon, Reims et Nancy. Les procès-verbaux d’interrogatoires, s’ils sont peu explicites sur les méthodes employées par les enquêteurs (violences, contraintes psychologiques), montrent que les commissaires et inspecteurs ont, dans la plupart des cas, obtenu des aveux, complets ou limités, des personnes tombées entre leurs mains. Pour ces résistants ensuite remis aux mains des autorités allemandes, ce sera la mort par exécution ou la déportation. Ce qui fut le cas d’André Pesce.

Sur le même sujet...

Neuilly-l'Évêque, Villars-Santenoge
L’année 1944 en Haute-Marne : du 22 au 30 avril 1944
Histoire

Seize tués, dont un squadron leader (commandant d’escadrille), Anthony Murdoch, six rescapés dont deux ont été capturés. Tel est le tragique bilan des trois chutes de bombardiers anglais sur le(...)

Une conférence, ce dimanche
Cohons
Une conférence, ce dimanche
Histoire

Une conférence “Les mariages impromptus ou les aventures de Pierre Jacquinot” sera dispensée par Jean-François Edme, historien, guide conférencier, membre titulaire de la Shal, dimanche 28 avril, de 15 h(...)

Ouverture du musée-historial ce samedi
Saint-Dizier
Ouverture du musée-historial ce samedi
Histoire

Le Souvenir Français et l’amicale des Marins rendront hommage aux combattants des dernières guerres en ouvrant le musée-historial samedi 27 avril, de 14 h à 18 h, au pôle associatif(...)