« Je veux voir l’hôpital de Langres fermer, pour ne plus mettre en danger les patients »
Aux urgences de Langres, l’évacuation de Benjamin vers le CHU de Dijon a été actée en deux heures. Mais il en a attendu huit pour son transfert. S’il a réchappé d’un infarctus, son cœur a souffert. Il voudrait voir fermer l’établissement langrois, trop « dangereux » selon lui.
Dans la nuit de jeudi 26 à vendredi 27 janvier, Benjamin, qui habite dans le Sud haut-marnais, est pris de douleurs thoraciques, qui irradient dans son bras gauche. À la demande du SAMU, une ambulance le transporte aux urgences de l’hôpital de Langres. Le quadragénaire y arrive à 4h18, dans une ambulance médicalisée. Benjamin n’a jamais connu d’alerte cardiaque, il a une vie saine. « La douleur reprenait quand je marchais ». Aux urgences, on pointe « une légère anomalie » à l’électrocardiogramme ». À 5h47, son taux de troponine est de 358 ng/l. « … et la douleur était revenue ». On ne lui fait pas d’échographie cardiaque. À 6 h 30, la décision de l’évacuer vers le CHU de Dijon est arrêtée. Sauf que « le SAMU était déjà occupé, aucune ambulance ne pouvait se charger de mon transport ». Il y a bien l’hélicoptère… mais les conditions météo empêchent qu’il vole.
« Mais vous êtes vivant ! »
« J’ai été laissé dans une salle, porte fermée, toute la matinée ». De l’aspirine, du Lovenox sont administrés à Benjamin, qui a aussi le vague souvenir d’un spray – il pense qu’on a pu lui donner du Natispray. L’appareil qui surveille son cœur s’enraie, laissant échapper un bip strident. La courbe des battements cardiaques s’aplatit comme une crêpe. « Il a bipé cinq minutes sans que personne ne vienne ». C’est un médecin qui s’en apercevra, pointant sur un ton primesautier que Benjamin est vivant quand l’appareil signale le contraire.
À 11 h 49, son taux de troponine atteint 2 583 ng/l. « J’ai appelé plusieurs fois. On m’a toujours répondu : c’est Chaumont qui traîne ». Benjamin croit voir le bout de cette éternité. « On m’a mis sur un brancard… où je suis resté trois quarts d’heure ». Las, c’est un faux départ : finalement, « Chaumont (toujours) n’est encore pas prêt ». Benjamin est enfin évacué vers 13h30. À 13h58, il est enregistré au CHU de Dijon. Son taux de troponine est monté à 17 000 ng/l.
Une heure après, il est au bloc opératoire. Le chirurgien lui pose un seul stent, son cœur a trop peiné pour lui en poser deux, voire trois autres. « À la fin de l’intervention, le taux de troponine est à 40 000 ». Le chirurgien regrette de n’avoir pas pu intervenir dans la nuit. « Alors, j’aurais tout fait d’un coup », dit-il au patient. Pour l’heure, Benjamin est bien plus qu’en colère. « Avec ces huit heures d’attente avant ma redirection vers Dijon, mon cœur a des séquelles car toute une partie n’a pas été irriguée. Quatre des 17 segments étaient en hypokinésie. J’ai un médicament pour les cicatrices du muscle ». Le quadragénaire est au repos forcé jusqu’au 17 mars. « Après, un mi-temps thérapeutique sera sans doute envisagé ». Sachant qu’il faudra donc également programmer la pose des autres stents. « Et encore, je suis jeune. Comment aurait résisté le cœur de quelqu’un d’âgé ? ».
« C’est normal que votre compagnon ait mal »
« Je suis retourné aux urgences de Langres le mardi suivant. J’entendais un bruit bizarre dans mon poignet, au niveau du passage emprunté pour poser le stent ». Il est 3 h du matin quand Benjamin arrive de nouveau aux urgences de l’hôpital local, il redoute un « souffle à l’artère ». Sa compagne surprend une conversation entre deux personnels soignants : « c’est normal qu’il ait mal ». Et pointe qu’ « aucun infirmier ne prend un stéthoscope ».
Ni « se rapproche de Dijon pour connaître son historique patient ». Une prise de sang est effectuée. L’urgentiste mettra 1 h 30 pour arriver. En revanche, si Benjamin, qui dit qu’il a fait un infarctus trois jours plus tôt, s’entend houspiller par un radiologue – « Je me fous de cet infarctus » – attache sera prise avec le CHU. « Il faut pratiquer un doppler » : le CHU veut écarter le risque de fistule ou d’anévrisme. L’examen d’angiologie va lui aussi prendre son temps pour être effectué – Benjamin comprend qu’il a fallu attendre le spécialiste dédié.
Maintenant, c’est Dijon direct
« Je suis le premier à vouloir voir fermer un hôpital dangereux ». Si l’expérience d’un infarctus est naturellement traumatisante, Benjamin a aussi engrangé les effets d’un sentiment d’ « inertie face à l’urgence ». Sa compagne reste atterrée d’avoir entendu des infirmières lui dire « on ne peut rien faire de plus qu’attendre Chaumont ». Elle est également si ébranlée qu’elle se demande si, en cas de récidive, elle ne prendra pas le risque de conduire elle-même son compagnon au CHU, où il a été immédiatement entouré. D’autant que, pour sa part, Benjamin est incapable d’envisager un nouveau passage par la case hôpital de Langres.
« Il faut percer l’abcès »
« Je suis prêt à rencontrer ce patient pour identifier les difficultés, et nous améliorer ». Ne pas compter sur le patron du service des urgences le Dr Vincent Escudier pour pousser les problèmes sous le tapis. S’il a besoin de voir son dossier pour se faire une idée de cette prise en charge particulière, le Dr Escudier confirme, qu’entre autres – il y a « énormément de problèmes d’ambulances ». Avant d’insister : : « je ne cherche pas à désamorcer, il faut percer l’abcès pour savoir ce qu’il s’est passé ». Et il invite le patient à faire « une demande d’expertise ».
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr