Dix ans après son retour, le loup toujours là, malgré les braconnages
ENVIRONNEMENT. C’est en septembre 2013 qu’après de multiples prédations aux confins de la Haute-Marne et de l’Aube, la présence du grand canidé était formellement attestée par une photographie. De récentes attaques en témoignent, le loup est toujours présent dans le département, dix ans plus tard.
C’était au printemps 2013. Les attaques de troupeaux succédaient aux attaques de troupeaux, aux confins de la Haute-Marne et de l’Aube. « Le loup ! », assuraient les éleveurs meurtris par la mort violente de leurs moutons. « Des chiens errants », affirmait l’Etat. Jusqu’à ce qu’en septembre de la même année, un piège photographique mis en place par l’Office français de la biodiversité à Nully, entre Doulevant-le-Château et Soulaines, ne confirmait ce que beaucoup pressentaient : il y avait bien au moins un loup installé en Haute-Marne. Le premier depuis de très nombreuses décennies.
Qu’est devenu cet animal, qui s’était aventuré dans la région l’année précédente ? On ne l’a jamais su. Etait-il d’ailleurs seul ? Non. Car après cette authentification, des révélations, petit à petit, ont été faites. A cette époque, il y a dix ans, il y en avait au moins deux dans la région de Doulevant : un qui avait été repéré en 2012 dans les Alpes – c’est par ce massif que l’espèce a fait son retour en France en 1992 – et un qui était inconnu de la base nationale. Sans oublier celui qui avait été photographié près de Grand (Vosges) et qui, dès l’automne 2012, faisait des incursions en Haute-Marne.
Deux loups abattus
Réapparu, le loup ne devait plus, depuis, cesser de faire parler de lui. Au point de susciter des actes radicaux de braconnage. En février 2014, un grand canidé était découvert mort, victime d’une balle, sur le territoire de Coole, dans la Marne. Il ne s’agissait pas du loup de Nully, mais d’un autre individu ayant laissé des traces en Côte-d’Or. Cinq ans plus tard, en novembre 2019, c’est près de Colombey-les-Deux-Eglises que la dépouille d’un autre canis lupus, également victime d’un braconnage, était retrouvée. Une balle, là aussi.
Des photographies
Depuis, c’est de nouveau dans le Nord du département que le loup a refait surface. En 2020, à Domrémy, près de Doulaincourt, un éleveur saisissait, en photo, un loup gris, confirmant l’origine lupine des nombreuses prédations d’ovins ayant pour cadre le secteur de Noncourt-sur-le-Rongeant. Un autre cliché, pris en novembre 2021, montrait qu’il était toujours présent dans cette région.
Aujourd’hui encore, il est toujours là, en témoignent les multiples attaques dans ce village, à Annonville ou à Vaux-sur-Saint-Urbain constatées durant l’année 2022, comme les plus récentes (jhm quotidien du 20 janvier 2023), suscitant la colère des éleveurs (lire l’encadré).
« Rongeant-Rognon »
Une colère qui s’exprime dans toute la France, car c’est désormais la totalité du pays qui est colonisée par le loup. L’animal n’a d’ailleurs jamais autant fait parler de lui que ces derniers jours, et ce d’ouest en est, du nord au sud : un individu a été filmé dans les Côtes-d’Armor, deux autres sont morts percutés par des voitures en forêt de Fontainebleau et dans l’Hérault. A la fin de l’hiver 2020-2021, l’Office français de la biodiversité estimait la population lupine à environ 620 individus en France, dont au moins un dans une zone de présence « à confirmer » baptisée « Rongeant-Rognon ». C’est-à-dire celle de la Haute-Marne.
Lionel Fontaine
Près de 100 victimes en trois ans
Les dernières données de dommages aux troupeaux ont été arrêtées à la date du 31 octobre 2022. Elles font état de 73 constats d’indemnisation dans le Grand Est. La Haute-Marne et la Meuse sont les deux départements les plus concernés avec quinze constats chacun (mais treize indemnisables pour la Haute-Marne, pour 30 victimes). C’est davantage que dans l’Aube, côté Yonne (quatorze) ou même les Vosges (neuf). Durant les deux années précédentes, 28 constats avaient été dressés, pour 68 victimes.
Terre de loups
C’est en octobre 2012 que notre quotidien évoquait de nouveau la présence du loup en Haute-Marne, après la mort de quatre moutons à Cirfontaines-en-Ornois et Aillianville. Quelques mois plus tard, l’animal faisait reparler de lui, mais dans la frange Ouest du département. Nous rappelions alors que le loup était jadis particulièrement présent en Haute-Marne. Durant la Révolution française et le Consulat, à la fin du XIXe siècle, pas moins de 1 781 individus ont été abattus sur le territoire du département. Selon les frères Demard, auteurs d’un formidable ouvrage sur le loup en Haute-Marne et en Haute-Saône (« Le chemin des loups »), officiellement, le dernier prédateur tué dans le secteur l’a été en 1906, à Pressigny. Depuis, de rares individus ont été aperçus, notamment à Baissey en 1941 et dans les années 60.