Les boulangers à l’heure des choix cruciaux
La situation des boulangers se compliquera encore en janvier. Ils vont devoir assumer la hausse des prix de l’énergie après celle des matières premières. Ils recherchent des solutions comme augmenter les tarifs ou diminuer les créneaux horaires d’ouverture des boutiques.
Le mois de janvier va être un cap décisif pour les boulangers de Chaumont. La plupart vont devoir faire face à une hausse des prix de l’énergie. Pour certains, il est question d’un coût de l’électricité multiplié par trois. Pour d’autres, ce sera fois dix !
L’un d’eux, au centre-ville, parle d’une période particulièrement anxiogène d’un point de vue macroéconomique. Il pense à sa boutique mais également aux ménages et à la société en général. Pour lui, la crise énergétique grave peut se transformer en crise économique et en crise sociale.
« On réfléchit et on ne trouve pas de solutions mais le problème est grave ».
Il développe : « En janvier, le prix de l’électricité sera multiplié par trois et les matières premières ont pris de 15 à 40 %, auxquelles il faut ajouter la hausse des prix des assurances et la hausse des salaires. Et comme il n’est pas possible de travailler à perte, en janvier, nous devrons répercuter ces hausses sur les prix des produits. Dans le cas contraire, nous serions obligés de fermer comme certaines boulangeries au niveau national ».
L’homme prévient : « Actuellement, à Chaumont, tout va bien avec une situation de plein-emploi mais tout peut se dégrader très vite avec des personnes qui se retrouvent au chômage ». En effet, parmi les mesures envisagées pour faire face à la hausse des charges, il évoque la réduction des créneaux horaires d’ouverture avec des fermetures aux heures de moindre fréquentation et donc l’embauche de moins de vendeuses. Il a annulé un recrutement. Le centre-ville va, pour lui, en pâtir en termes de flux et de dynamisme.
Sur la répercussion sur les prix des produits vendus, il dit vouloir atteindre un équilibre pour ne pas assommer ses clients. Il parle d’une gestion affinée sans compter sur l’Etat. Malgré tout, il s’interroge : « Comment vont-ils réagir ? Nous savons qu’ils font déjà attention et leur acte de consommation sera déterminant pour l’avenir. Si le chiffre d’affaires baisse, les embauches baissent et l’échéance d’après, c’est le redressement ».
Un cri d’alerte des boulangers
Le patron de la boutique pousse alors un cri d’alerte : « Aidez-nous et plus particulièrement les plus petits qui sont les plus touchés ». Il avoue ne pas du tout être serein pour ce début 2023. Son seul espoir est que la guerre en Ukraine se termine et que tout revienne dans l’ordre.
En plein rush, l’une de ses consœurs, chez Caillet, résume : « On réfléchit et on ne trouve pas de solutions mais le problème est grave ». Et lorsqu’il est évoqué, pour certains, de fermer boutique purement simplement, elle répond : « Je comprends. Il est impossible de ne travailler que pour payer les factures ».
Dans la boulangerie “Pains et délices”, Jean-François Henriot est dans une situation « légèrement » moins inconfortable énergétiquement. Il est en tarif bleu et entre dans le dispositif « bouclier tarifaire ». Il a déjà subi une hausse du prix de l’électricité l’été dernier (+ 50 %). De la même manière, le prix du gaz qui permet de lancer les fours a doublé cet été.
Le boulanger dit avoir répercuté ces hausses sur certains produits. Il parle de lissage sans atteindre des seuils psychologiques qui feraient fuir ses clients. Par exemple, la baguette doit rester autour de 1 € au moment où les ventes du pain de tradition française baissent du fait que le prix est au-dessus de 1 €.
Mais, à l’énergie s’ajoutent les hausses des prix des matières premières. Jean-François Henriot parle de la farine, du lait, des œufs et du beurre dont certains sont pratiquement en situation de pénurie (œufs). Il dit ne pas vouloir déroger aux produits de qualité comme le lait entier et non pas demi-écrémé ou le beurre à 100 % et non pas mélangé à de la margarine.
Alors, il adopte comme solution d’augmenter les tarifs « raisonnablement » et de « jouer sur les marges. On ne pourra pas répercuter les hausses intégralement ». Les autres solutions le désolent mais il s’y contraint : « Profiter du départ d’une pâtissière et ne pas réembaucher, limiter la confection de gâteaux personnalisés et ne plus fabriquer les produits qui prennent trop de temps ».
Jean-François Henriot s’interroge aussi sur la limitation des heures d’ouverture de la boutique. Etant donné que les ventes ont lieu essentiellement le matin, il pourrait ne plus ouvrir en fin d’après-midi. Quant à l’avenir, il l’aborde plus ou moins sereinement. Il espère que les prix de l’énergie vont retrouver des niveaux normaux. Par contre, il est beaucoup plus sceptique pour les prix matières premières qui ne devraient jamais redescendre.
Frédéric Thévenin
Les consommateurs qui ne sont pas à la fête
A “Pains et délices”, Jean-François Henriot constate que les années se suivent et se ressemblent. Après la crise sanitaire qui a limité les repas de famille de fin d’année, il est question, cette année, du pouvoir d’achat qui impacte le panier de la ménagère. Il a constaté que la situation s’est dégradée depuis la rentrée avec la baisse de fréquentation et la baisse d’activité.
Pour lui, à force de l’entendre dans les médias, les ménages se convainquent de futures difficultés et resserrent les cordons de la bourse. Il ne sous-estime pas pour autant l’inflation avec des priorités données à l’énergie pour rouler et se chauffer alors que les salaires ne suivent pas.
Cela dit, Jean-François Henriot reste optimiste : « Les fêtes de fin d’année et en particulier Noël restent une parenthèse enchantée. Les familles tiennent à se rassembler ». Par contre, il craint l’après-fêtes car « la tendance est déjà là ».