Tribunal correctionnel. « Malade »
Nulle expertise psychiatrique n’atteste d’une éventuelle altération du discernement, mais le prévenu l’est manifestement, « malade », « au sens médical du terme ». Me Beis donna lecture d’une prescription aux airs d’inventaire à la Prévert. Après avoir, en 2021, aspergé son véhicule de carburant dans une station-service et tenté de s’immoler, Arnaud Mongin a respecté une obligation de soins et une obligation de travail ou de formation. Ces deux impératifs se sont télescopés. « A la base, j’étais suivi par un psychiatre, avec ma formation, je ne pouvais plus aller au Centre médico-psychologique (CMP), mais j’étais suivi par mon médecin généraliste. » Injections à effet retard en lien avec une « structure psychotique », antidépresseurs… Le malade a respecté ses obligations de soins tout en se dessinant un avenir professionnel. Mardi 6 décembre 2022, Arnaud Mongin avait rendez-vous avec un employeur heureux d’accueillir un trentenaire formé et motivé en cette période de pénurie de main-d’œuvre. Avant même ce rendez-vous, le jeune homme décide de s’alcooliser. « J’étais stressé. » La suite ? « Une forme de suicide », résuma Me Beis.
Vin blanc et traitement
Arnaud Mongin se rend, à Langres, chez sa compagne. Monsieur commence par casser différents objets avant de partir. De retour à la même adresse, « en état de confusion », traitement médicamenteux et vin blanc faisant mauvais ménage, le trentenaire casse une fenêtre avant de s’en prendre à une porte. « Je ne comprends pas pourquoi, j’avais les clés. » Arnaud Mongin finira par bousculer sa compagne. Les gendarmes seront alertés par un voisin aux environs de 23 h 30.
A leur arrivée, les hommes en bleu essuient un flot d’insultes. Un gendarme esquive deux coups de poing. Un de ses collègues sera contraint de faire usage de son pistolet à impulsion électrique. Un contrôle d’alcoolémie révèlera un taux de 1,8 gramme par litre de sang. Que faire du prévenu, que faire de ce malade, « calme, agréable », de prime apparence ? « Je ne pense pas avoir la solution judiciaire aux difficultés de monsieur, un sursis probatoire renforcé est déjà en cours », reconnut le procureur Cecoltan.
Oui, la problématique est médicale. Tout en pointant les difficultés, connues, de taille, en matière de suivi psychiatrique dans le département, Me Beis s’attacha à démontrer qu’il n’était nullement possible, dans le respect des textes en vigueur, de déclarer son client coupable de conduite sous l’empire d’un état alcoolique. « Oui, monsieur dit avoir bu, oui monsieur dit avoir conduit en début de soirée, mais les gendarmes sont intervenus trois heures plus tard, à 23 h 45, il a par la suite été procédé à un contrôle d’alcoolémie afin de savoir si monsieur pouvait être placé en garde à vue, l’infraction ne peut donc être caractérisée ». Me Beis fut entendu sur ce point.
L’avocat de la défense fit ensuite état d’un « immense gâchis ». Le prévenu a connu une « frénésie délinquante » entre 2011 et 2015 avant de se reprendre. Et puis… « La place d’un malade n’est pas en prison. (…) Sa compagne le soutient, son père également et son patron l’attend ».
Aménagement ab initio
Décision ? Huit mois de prison ferme. Le tribunal aura par ailleurs ordonné la révocation à hauteur de quatre mois d’une précédente peine assortie d’un sursis probatoire. Direction la maison d’arrêt ? Le tribunal aura privilégié un aménagement de peine ab initio sous forme de surveillance électronique, une mesure appelée à être mise en place sous le contrôle d’un juge d’application des peines. Arnaud Mongin devra, en outre, respectivement indemniser le préjudice moral de deux gendarmes malmenés à hauteur de 300 et 100 €.
T. Bo.