Peuple courage – L’édito de Patrice Chabanet
Les joueurs iraniens ont perdu leur match contre l’Angleterre. Un démarrage difficile, bien que prévisible, dans ce Mondial. Mais l’Histoire, pas seulement du football, retiendra d’abord leur victoire sur la peur. Ne pas desserrer les lèvres pendant l’hymne national de leur pays constitue en effet une magnifique leçon de courage. Pas de calcul politique. Juste une détermination absolue, celle de faire plier la mollahcratie et sa poigne de fer sur l’Iran. Les footballeurs, ils le savent, ont pris des risques exorbitants pour eux-mêmes ou leurs familles. Une forme de reconnaissance à l’égard des femmes et des jeunes qui ont ouvert la voie. Plusieurs centaines ont été tués dans des manifestations contre le régime pour protester contre l’exécution – il n’y a pas d’autre mot – de la jeune Masha Amini dont le foulard laissait échapper quelques mèches de cheveux.
Paradoxalement, plus le régime de Téhéran se montre féroce, plus la contestation s’étend. La raison en est simple : les contestataires n’ont plus rien à perdre. Ils sont allés trop loin pour reculer. Mais la confrontation risque de durer longtemps : les forces de répression ne laissent pas apparaître la moindre fragilité. Les gardiens de la Révolution, véritable milice militaro-religieuse, n’ont pas d’état d’âme. Les démocrates peuvent espérer des craquements dans l’armée, mais rien qui puisse laisser présager un effondrement. En 1979, l’imam Khomeiny était parvenu au pouvoir après des années de contestation. Aujourd’hui, c’est le mouvement inverse qui se développe. L’amorce d’une déconstruction tant espérée. Dans le sang.