Dérive mortifère – L’édito de Patrice Chabanet
Il est de bon ton chez nous de pointer les fissures qui lézardent gravement la démocratie américaine. Il serait plus prudent de balayer devant notre porte et plus encore dans les travées de l’Assemblée nationale. En témoigne l’incident qui s’est produit hier en pleine séance. « Qu’il(s) retourn(ent) en Afrique », s’est entendu dire un député de la France insoumise pendant sa prise de parole. L’auteur de cette phrase – un député du Rassemblement national – a joué sur l’ambiguïté de sa formule.
Elle n’aurait visé que les bateaux des migrants. Peu importe, serait-on tenté de dire. Pour trancher dans cette énième polémique, on rappellera une nouvelle fois ce bon mot du cardinal de Retz : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens ». Un représentant de la Nation doit mesurer la portée de ses propos, surtout quand il coupe depuis son banc l’orateur.
L’ambiguïté est un mal largement partagé actuellement dans l’espace politique français. Ainsi, la France insoumise ne se sent pas gênée quand le RN soutient ses motions de censure. Mélenchon ne s’est-il pas félicité d’avoir raté la chute du gouvernement « à 50 voix près », grâce à l’addition des votes d’extrême gauche et d’extrême droite ?
Si l’on ajoute la pagaille continue à l’Assemblée nationale, tout est là pour écœurer les Français de la politique. Pour autant, il serait grave de s’y habituer par fatalisme. Remontons le fil de l’histoire. La République de Weimar, tentative courageuse pour rétablir la démocratie en Allemagne dans les années 20, a sombré sous les coups conjugués de l’extrême droite et de l’extrême gauche. Ce funeste exemple est parfois rappelé. Il doit rester à la surface de notre mémoire.