Pour redynamiser leur village, ils deviennent épiciers deux heures par mois
Face à la désertification des commerces dans les villages et à l’appauvrissement du lien social, des habitants d’Andilly-en-Bassigny ont décidé de prendre les choses en mains. Ils ont ouvert, il y a quatre mois, une épicerie participative. La première dans le département.
Salle des fêtes d’Andilly-en-Bassigny, un samedi matin de septembre. Sous le préau, des habitants discutent autour d’un café bien chaud. A côté d’eux, un étal de produits locaux – farine, pâtes ou encore miel – invite à s’approcher. Depuis quatre mois, l’association « Epi tout ça » a lancé son épicerie participative. La toute première en Haute-Marne.
L’idée était dans la tête d’Emmanuelle Gey et son conjoint depuis un moment. La campagne d’accompagnement à la création d’épiceries sous forme associative lancée par le mouvement national Bouge ton Coq, en février dernier, a servi de déclic. Leur candidature a été acceptée. Après quelques réunions et une formation à l’outil logistique, l’association a reçu une aide à l’installation de 1 100 €, dont elle devra justifier de l’usage.
La promesse du concept ? Recréer du lien social dans les petites communes dépourvues de commerces de proximité. En pratique, il s’agit également d’apporter un service aux habitants, en proposant des produits pour la grande majorité en circuits courts.
Déjà une vingtaine de familles adhérentes au village
A Andilly-en-Bassigny, c’est le sens de la démarche. « L’épicerie, c’est un support important pour développer du lien social. C’est un prétexte. Il y a aussi dans notre initiative un côté participatif. Les gens doivent être acteurs, sinon cela n’a pas de sens », indique Emmanuelle Gey, trésorière de l’association.
Moyennant une adhésion de 10 € annuelle par famille, l’adhérent obtient l’accès à la plate-forme monepi.fr pour commander ses produits, ensuite mis à disposition à la salle des fêtes du village. Surtout, il s’engage à donner deux heures de son temps à l’association chaque mois. « Cela peut être de la recherche de producteurs pour alimenter notre offre, la participation à de petits travaux en faveur de l’association ou encore la tenue de l’épicerie le samedi. On ne gère pas d’argent, ni de stocks, ce qui allège le travail », détaille Emmanuelle Gey. A ce jour, l’épicerie d’Andilly compte une vingtaine de familles adhérentes, dans une commune de 110 habitants.
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« S’ils trouvent ce qu’ils cherchent, les gens viendront facilement »
Ces débuts sont encourageants, mais toutefois insuffisants pour donner de l’impact à l’initiative pour le moment. Angélique Robin ose : « C’est l’engagement de deux heures de son temps qui refroidit un peu ». Emmanuelle Gey poursuit : « C’est pourtant ce qui donne sens à notre démarche et il faut persévérer. La grande majorité des adhérents sont largement en positif en ce qui concerne leur investissement. Notre problème, c’est leur nombre ».
Alors l’équipe multiplie les actions pour booster la croissance de l’association. D’abord, elle a ouvert l’adhésion à l’épicerie à toutes les communes avoisinantes. Ensuite, elle entend enrichir son offre de produits pour répondre aux besoins du plus grand nombre. « S’ils trouvent ce qu’ils cherchent, les gens viendront plus facilement. Ils n’auront plus besoin d’aller au supermarché et de prendre la voiture tout le temps. Personnellement, j’aimerais des produits frais et d’hygiène », souffle David Crance, un habitant impliqué.
L’emménagement dans le local du village sera décisif
Coller aux saisons et aux événements semble être un incontournable. Aussi, autour de la table, on parle Noël, avec des terrines, des escargots, de la truite fumée, des confitures poire-cannelle ou au pain d’épices. On cherche des producteurs haut-marnais sensibles au projet. Car l’autre spécificité de l’association – une conviction, même – c’est qu’elle n’applique aucune marge à ses produits. Le consommateur paie le prix coûtant. D’ores et déjà, plusieurs d’entre eux ont répondu favorablement, entre les œufs de Celles ou le maraîcher de Neuilly-L’Evêque, pour ne citer qu’eux.
D’ici la fin de l’année, Epi tout ça espère intégrer son nouveau local. La mairie lui a mis à disposition une pièce de 25 m2 qu’elle rénove avec les moyens du bord. « Ce sera un réel ‘‘plus’’ », garantit Angélique Robin, consciente que les incertitudes de l’automne et les rigueurs de l’hiver vont singulièrement refroidir les habitants à se rendre en extérieur.
Une fois installée, l’équipe espère alors dérouler d’autres idées, toujours dans le but de tisser du lien social. « On pense par exemple à un coin lecture ou à des ateliers thématiques », confie Emmanuelle Gey. Sur les 120 épiceries participatives du réseau Monépi que compte le territoire national, plusieurs d’entre elles ont déjà franchi la barre des 100 familles adhérentes.
Delphine Catalifaud
Une nouvelle campagne en vue en Haute-Marne
En Haute-Marne, la campagne « Bouge ton coq » menée en début d’année 2022, en partenariat avec le Conseil départemental et l’association des Maires ruraux, visait une dizaine d’ouvertures d’épiceries participatives dans le département. Las, à ce jour, seul Andilly-en-Bassigny s’est finalement lancé dans l’aventure. Villiers-sur-Suize, qui avait amorcé l’idée en organisant une réunion d’information auprès de ses habitants, devrait finalement s’orienter sur un projet de reprise de son actuel commerce, comme l’a confirmé Roseline Gruot, la maire du village.
« Pour ces deux communes, l’objectif est quand même atteint. Epicerie participative ou commerce tout court, l’idée est de redonner du dynamisme économique dans un village », rappelle Aymard de la Guillonnière, responsable national de l’opération « épiceries » chez Bouge ton coq. Il poursuit : « D’ici quelques semaines, nous devrions relancer une campagne en Haute-Marne, avec l’appui du Conseil départemental. Nous atteindrons, j’en suis convaincu, les dix ouvertures visées. Le concept fonctionne ailleurs, il n’y a aucune raison que cela n’adhère pas ici ».