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“Le Foy” : La retraite sur un plateau pour Bruno !

Depuis fin septembre, Bruno Barbier n’est plus serveur au Foy. Il goûte désormais une retraite bien méritée.

PORTRAIT. Serveur historique du café “Le Foy” à Langres, Bruno Barbier a fait valoir, fin septembre, ses droits à la retraite. Une page se tourne pour l’historique brasserie de la place Diderot à Langres, comme pour celui qui n’aura passé pas moins de 42 ans dans la restauration. Il laisse orphelins ses plus fidèles clients, pour certains devenus des amis au fil du temps, non sans nostalgie, mais avec l’envie d’enfin profiter d’une nouvelle vie.

Bien sûr, la vie continue. Bien sûr, le mythique café “Le Foy” de Langres, l’un des plus anciens de France encore en activité, continuera à écrire l’Histoire commerciale de la place Diderot. Mais une sacrée page s’y est incontestablement tournée, fin septembre. Laissant un vide pour les fidèles clients qui s’étaient, depuis de longues années, habitués au visage perpétuellement souriant d’une figure familière, qui semblait, au fil du temps, presque faire partie des murs. Bruno Barbier n’apportera plus aucun café du matin, ni pizza, ni dessert à ses clients qui, pour nombre d’entre eux, ont fini par devenir ses complices, sinon ses amis.

L’homme, que l’on se rassure, est en pleine forme. Il a simplement fait valoir ses droits à la retraite, après 42 ans passés sans interruption, ou presque, dans le milieu de la restauration, dont onze au “Foy”. Sa célèbre moustache, devenue un avantageux bouc au cours des deux dernières années, ne frétillera plus en annonçant le menu du jour. Mais plutôt en le dégustant, car ce sera désormais en simple client que Bruno reviendra de temps à autre — il l’a promis — au café de Foy.

Un diplôme… de chaudronnier

La restauration, ce “Ch’ti” pur sucre est tombé dedans quand il était petit. En autodidacte. « J’ai démarré chez ma cousine, à Dunkerque, quand j’étais encore adolescent. Je servais, je faisais les frites… », se souvient-il avec nostalgie. Pour lui, il l’avait tout de suite compris, la restauration serait sa vie. Ce n’était pourtant pas, au départ, sa vocation. Inscrit dans une formation de chaudronnerie, Bruno Barbier a mis un point d’honneur à l’achever.

Poussé en ce sens par son véritable premier patron, qui ne tenait pas moins de huit établissements à Dunkerque, dont le fameux “Grand Morien”, l’un des établissements historiques les plus réputés de la cité nordiste : « Il m’a dit qu’il exigeait que je passe et obtienne mon examen. Que c’était important si un jour je souhaitais me reconvertir… Je crois que je suis le seul diplômé en chaudronnerie à avoir été serveur pendant 42 ans ! ».

Sous la houlette de ce chef paternaliste et au grand cœur, Bruno gravit petit à petit les échelons. « Je n’avais pas de place fixe. J’allais chaque jour dans un des huit établissements, ce qui fait que j’ai pu connaître chacun d’entre eux. Finalement, je suis devenu celui qui suppléait le responsable lors de ses jours de repos. C’était une belle marque d’estime ». Bruno Barbier a alors passé de belles et heureuses années. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Pour une simple et bonne raison : Bruno déteste s’encroûter. « Au bout d’un moment, j’ai envie de connaître autre chose. Toujours ».

« Un soir, je suis rentré chez moi. Et j’ai décidé de déménager »

Bruno Barbier Serveur à la retraite.

Il reste cependant à Dunkerque, là où se trouve sa famille, et officie par la suite dans trois autres établissements. « Le dernier a été un café Leffe, où j’ai passé dix ans. C’était compliqué mais agréable. Mais à la fin, avec les patrons, ça n’allait plus ». A ses yeux, le moment est venu de changer d’air. Complètement. « Un soir, je suis rentré chez moi. Et j’ai décidé de déménager. C’était comme un coup de tête mais mûrement réfléchi ». Il prend une carte de France et, telle Lucette dans une cultissime publicité télévisée, choisit à l’aveugle un point au hasard. Ce sera Darney, dans les Vosges.

Nous sommes alors en 2011 et, quelques semaines plus tard, Bruno s’installe donc dans le petit bourg de la Plaine vosgienne. Et se met en quête ardue de travail. Les postes ne sont pas légion dans les Vosges profondes. Aussi Pôle emploi l’aiguille finalement vers Langres, où deux places de serveur sont à pourvoir : « L’une à L’Europa, et l’autre au Foy. J’y vais et je dépose mon CV dans les deux cafés ». Deux jours plus tard, son téléphone sonne : « Bonjour, je suis Arnauld Didier, patron du Foy… ».

Bruno vient alors de trouver son nouveau foyer professionnel. Au-delà même de ses espérances. Car, à l’occasion de la signature de son contrat, Arnauld Didier va avoir un geste extraordinaire qui scellera à jamais une amitié très vite indéfectible entre les deux hommes. « En allant travailler à Langres, il fallait que je déménage à nouveau. Financièrement, je n’étais alors pas au top. Je dis sans détour à Arnauld que je ne suis pas en capacité de payer mon déménagement. Et là, il sort son chéquier, me demande de combien j’ai besoin et me fait le chèque. On venait à peine de se connaître, je n’avais même pas encore pris mon poste ! ».

Au Foy, Bruno Barbier aura exercé son métier adoré pendant plus de 11 ans.
Pendant ses onze années passées au Foy, Bruno Barbier a su nouer des liens privilégiés avec des clients parfois devenus de véritables amis.

Bruno le remercie et est bien déterminé à tout mettre en œuvre pour rembourser son patron au plus vite, considérant qu’il s’agit d’une avance sur salaire. Il n’en sera rien, Arnauld Didier refusera : « C’est un cadeau ». Depuis, Bruno n’a pas compté ses heures, ni boudé son plaisir, dans une ville et un établissement qu’il découvre avec « émerveillement ». Il devient rapidement la nouvelle coqueluche de la brasserie de la place Diderot. Des affinités se créent, aussi bien avec ses collègues qu’avec certains clients. « Je me suis toujours bien entendu avec tout le monde, mais c’est vrai qu’avec les plus anciens, Eric et Elodie, une complicité particulière s’est créée ».

Certains clients ne sont pas en reste, comme Jean-Yves, avec qui il fait parfois les 400 coups. « On aimait faire quelques blagues à Arnauld, comme installer une table dans les toilettes ou remplacer le pavé de saumon par un pavé de la place Diderot qui s’était détaché, en se plaignant que le poisson est un peu dur… », se remémore-t-il, encore hilare à l’évocation de ces savoureuses anecdotes.

L’épreuve de foi au Foy

C’était, pour lui, le bon temps. Qui, peut-être, a fini par être révolu. S’il ne l’a jamais montré — professionnalisme et perpétuelle bonne humeur obligent —, Bruno Barbier a très mal vécu la crise de la Covid-19. Quelque chose s’est alors cassé en lui. « Passer des mois à ne pas pouvoir travailler, ça a été très dur. Et ensuite… Je ne sais pas, je trouve que quelque chose avait changé. Ce n’était plus pareil ». Lui qui s’imaginait continuer au-delà de la retraite, tant son métier lui procurait satisfaction, commence à envisager l’hypothèse différemment.

La vente du Foy par Arnauld Didier, en juillet 2022, scelle finalement sa décision : « Mais attention, qu’on ne se méprenne pas. Avec David et Magali, qui n’auront donc été mes patrons que quelques mois, ça s’est très bien passé. Ils sont très gentils et j’ai beaucoup de respect pour eux. Je tiens à ce que ce soit clair : ce n’est pas du tout à cause d’eux que je prends ma retraite ».

Au Foy, l'épreuve des confinements successifs a été parfois difficile à vivre.
Malgré le sourire qui perce sous le masque, Bruno a très mal vécu la période de la crise sanitaire au Foy.

Après une fête mémorable concoctée, justement, par ses nouveaux et derniers employeurs, Bruno va, pour la première fois, réellement tourner la page de la restauration. « Dans un premier temps, ce sera comme des grandes vacances. Je vais d’abord retourner dans ma famille, notamment passer un peu de temps avec ma mère qui a 96 ans ». Mais il a décidé qu’il ne bougerait plus. « Chalindrey, Langres, c’est ma vie aujourd’hui. Je m’y sens bien, je reste ».

Il n’aura pas de quoi chômer : « J’ai mes enfants et mes petits-enfants, mon potager. Et, maintenant que j’ai du temps, j’ai très envie de rejoindre des associations. Je voudrais bien faire partie des Hallebardiers, par exemple ». Pour y faire le service à l’issue des représentations ? Bruno éclate de rire : « Pourquoi pas ! Je saurai faire, je crois… ». Serveur un jour…

Nicolas Corté

n.corte@jhm.fr

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