Deux logiques inconciliables – l’édito de Patrice Chabanet

Le cérémonial des obsèques d’Elizabeth II concentre en un même moment le poids de l’Histoire et les urgences d’aujourd’hui. Un télescopage baroque. D’un côté, les fastes d’une tradition multiséculaire, avec son rituel immuable réglé au millimètre près, pardon au pouce près. De l’autre, l’irruption des défis que l’actualité nous sert d’abondance, l’inflation et la menace de récession entre autres. Deux logiques inconciliables, celle qui privilégie le prestige et la gloire, celle qui nous rappelle le poids de la crise économique. Celle qui met en avant l’identité du pays en puisant dans ses racines, celle qui jette une lumière crue sur l’impact de phénomènes venus de l’extérieur.

Malgré la gravité des deux situations, on se prend à sourire des décisions qui sont prises aujourd’hui. L’humour britannique nous y incite presque par nature. Ainsi on apprend que les personnalités qui viendront aux obsèques de la défunte sont invitées à emprunter des lignes commerciales comme tout un chacun. Des conseils qui vont jusqu’à préconiser le recours à des bus pour les déplacements sur place. Or ces préconisations sont difficilement acceptables pour les Américains qui n’imaginent pas leur président réduit à prendre ce moyen de transport. Vous n’y pensez pas… Question de sécurité et, tout simplement, de prestige pour l’homme le plus puissant du monde.

Après la pompe qui a mobilisé tous les médias du monde viendra très vite la cohorte moins flamboyante des difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés les Britanniques. Les couronnes d’épines remplaceront les bouquets de fleurs.