Ses 54 528 messages expédiés en 3 mois pèsent lourd : 1 an avec sursis pour le jeune homme
Inconnu de la justice, un jeune homme de 25 ans a été condamné à 12 mois de prison avec sursis par le tribunal judiciaire de Chaumont, vendredi 2 septembre. Après que sa compagne l’a quitté, il avait broyé son quotidien menu… avec celui de son entourage.
« Je vais te tuer espèce de grosse chienne », « Je vais faire circuler ton nom dans ma famille : tu es mort », « je vous jure, je vais vous crever », pareils messages, Steven, 25 ans, en a adressé… 54 528, principalement à sa compagne qui l’avait quitté, à sa mère, et à un homme qu’il croyait le petit ami de celle qui l’avait plaqué. Steven fait aussi état d’un fusil, qu’il aurait acheté dans les Quartiers Neufs de Langres, et expédie la photo d’une arme de ce type. Entre le 1er mai et le 19 août dernier. La justice lui reproche également, à l’audience correctionnelle de vendredi 2 septembre, la dégradation de biens et des violences sur la demoiselle, le 13 juillet, à Rangecourt -balayette ou coup de pied au tibia. Enfin, Steven doit s’expliquer sur d’autres violences sur sa compagne, en 2020. Le couple connaît déjà des tensions, la jeune femme le dira à la barre. « On se tapait dessus, je n’allais pas porter plainte car je trouvais que c’était 50-50 ». Mais quand elle quitte Steven, il décide de pulvériser son quotidien, ainsi que celui de sa mère et…de leur entourage. « Pendant ses auditions, j’ai enfin pu respirer », soupire celle qui a rompu.
« Ça fait drôle d’être au tribunal »
« C’est d’être ici qui m’a convaincu de changer ». Steven jure qu’il a « fait son deuil » de son amour, qu’il n’a jamais eu d’arme et que si, dans sa litanie de messages, il a convoqué sa famille, c’était « pour faire peur ». Il se trouve que son ex-belle-fille confirme que ladite famille a toujours été « gentille » à son égard. « Alors, oui, le 13 juillet dernier, sa mère va le mettre en joue avec un fusil » en attendant les gendarmes, « parce qu’elle craint que ça finisse mal ». Me Maria Alfonso défend les trois parties civiles : la fille, sa mère et un homme que Steven a aussi bombardé de messages menaçants car il le pensait le petit ami de celle qui l’a quitté. « C’est une obs-se-ssion ! », et ça dure, tonne Me Alfonso, qui ponctue sa plaidoirie par « Je n’en fais pas trop ». Pour sa part, le ministère public retient une réponse du prévenu au tribunal : son « ça fait drôle (de se retrouver ici) » n’est pas fait pour le rassurer, « surtout qu’il parle beaucoup de lui mais témoigne de peu de compassion ». Avant de rappeler que, pour alerter sur sa situation, son ex-conjointe « a écrit, même au président de la république ». Il a fallu une première interpellation pour « contenir » le prévenu, qui finira par être placé sous contrôle judiciaire. Le magistrat relève que le jeune homme en est lui-même convenu : « je continuais à expédier des messages puisqu’on ne me bloquait pas ». Et de requérir surtout une peine « de prévention, certes, mais aussi de punition » de 24 mois de prison avec sursis probatoire de 36 mois.
« Ce sont ses pensées que mon client envoyait »
« Je comprends qu’envoyer la photo d’un fusil est plus grave que braquer avec un fusil… ». Voilà pour la réplique de Me Julien Michel à l’accusation. Défenseur du prévenu, l’avocat pointe ensuite que, dans sa plaidoirie, son homologue a finalement prononcé de deuxièmes réquisitions, après celles du ministère public. « Au nom de Steven, je m’excuse d’avoir répondu aux questions du tribunal », ironise-t-il maintenant puisque Me Maria Alfonso a reproché au prévenu de n’avoir parlé que de lui. Avant de pointer que son client ne peut pas être à la fois poursuivi pour des faits de harcèlement et des envois réitérés de messages malveillants : « c’est l’un ou l’autre, pas les deux : c’est impossible, le parquet doit choisir ». Les faits, poursuit Me Julien Michel, Steven les a reconnus… exceptées les violences de 2020, qu’il nie. Or, « (le tribunal) n’a quasiment que la parole de sa compagne », avec un certificat médical qui note que « des cicatrices pourraient éventuellement correspondre » à ses dires. « Ça ne suffit pas à le condamner » pour ces violences-là, « la parole de Steven ne vaut pas moins que celle de sa compagne ». Et de revenir sur le fait que le jeune homme a lui-même été braqué avec un fusil par la mère de celle-ci, qui n’a pas été poursuivie. « Oui, le 13 juillet, Steven est très énervé et il casse une clôture (de jardin)… mais pourquoi sa compagne descend-elle le voir ? C’est après que sa mère le braque. Moi, ça m’interroge ». Le conseil estime que Steven a exercé sa « légitime défense » en portant un coup au tibia de sa compagne, qui s’apprêtait en outre à lui balancer une deuxième chaise ». Me Michel souhaite que le tribunal ait en tête que celle-ci était « le premier amour » de son client, qu’il « a mal supporté » le chagrin de la rupture. En invoquant dans ses messages une famille qu’il aurait derrière lui, Steven trahit son « manque de confiance en lui » : il a « tenté de se gonfler ». Enfin, que le tribunal comprenne, le jeune homme « ne sait pas écrire, il dictait ses messages, qui partaient alors en rafales : ce sont ses pensées qu’il envoyait ».
Après en avoir délibéré, le tribunal a relaxé Steven pour les seuls faits d’envois réitérés de messages malveillants. Pour l’ensemble des autres faits, il a écopé de 12 mois de prison avec sursis probatoire de 24 mois, et, notamment, de l’interdiction d’entrer en contact avec les parties civiles et de mettre un pied à Rangecourt.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr