Louis Massotte : pilote d’essai, recordman mondial de vitesse et as de la voltige
Le pilote d’essai et multiple recordman de vitesse Louis Massotte est mort tragiquement il y a 85 ans, le 15 juin 1937. Cet aviateur haut-marnais a eu une existence peu commune et riche en événements extraordinaires à tel point que l’hebdomadaire spécialisé dans l’aviation “La Vie aérienne” titrait dans son édition du 23 juin 1937 : « L’héroïque pionnier du progrès tombe glorieusement à son poste » et résumait bien le personnage en commençant ainsi : « Aucun aviateur n’extériorisait mieux la force, l’activité, l’énergie, l’audace et la joie de vivre que Louis Massotte ». La conclusion donnait une idées de l’ambiance dans le pays, deux ans avant le début de la Seconde Guerre mondiale : « Et Massotte, chevalier de la Légion d’honneur, ayant près de 4 000 heure de vol, est tombé l’autre soir, victime de son devoir, trahi par la défaillance imprévue d’un organe délicat d’un prototype destiné à nos forces aériennes. Comme tant de ses camarades de l’héroïque phalange des essayeurs, des “cobayes”, des éclaireurs de l’air, qui attirent vers eux la mort pour l’épargner aux autres, Massotte s’est sacrifié après que toute sa vie eût été “sans peur et sans reproche”».
Louis est né le 19 février 1906 à Torcenay dans un foyer d’agriculteurs. Il est le dernier enfant d’une fratrie de 6 garçons. Son père se prénommait Hilaire et sa mère Marie-Joséphine. La famille n’a pas été épargnée par les drames pendant la jeunesse de Louis : son père meurt à 46 ans en 1912, des suites d’un coup de cheval, son frère Victor tombe au champ d’honneur, à l’âge de 20 ans, à Ypres le 31 mai 1918 et sa mère Marie-Joséphine décède le 12 septembre 1923 à 52 ans.
Louis était depuis toujours un élève studieux, intelligent et appliqué. Après avoir obtenu son certificat d’études primaires en juin 1918, il travailla à la ferme mais songeait déjà à devenir aviateur. Le curé de la paroisse, l’abbé Villemot, lui donna des cours particuliers pour se préparer à entrer dans une école d’aviation. A 18 ans, en 1924, son rêve devint réalité avec son admission, comme boursier, à l’école de pilotage de Chalon-sur-Saône. Le 13 mars 1925, il obtint son brevet de pilote et sorti major de sa promotion.
Pilote militaire de 1925 à 1931
Il s’est engagé peu après dans l’aviation militaire et intégra, à Dijon, le groupe de chasse du 32e régiment d’aviation. Il y a pratiqué les vols de nuit et a fait également de l’acrobatie. Il a gagné le concours de tir aérien de Cazaux en Gironde et fut cité à l’ordre de son régiment. Dès l’année suivante, il échappa à la mort quand son avion s’écrasa près de Gray en Haute-Saône, lors de manœuvres. Dans une lettre à son frère Léon, datée du 26 février 1926, il a raconté son aventure : « Je viens de l’échapper belle. J’ai vraiment eu de la veine. Je crois que je ferai de vieux os dans l’aviation car c’était vraiment pas beau à voir. On me retira des débris avec assez de difficultés. La chance, c’est que le moteur s’est détaché de l’appareil ce qui a empêché le feu de reprendre ».
Le 10 septembre 1927, il a épousé Jeanne Jourdeuil à Montlandon, village d’origine de la mariée. En 1928, il a été muté à Villacoublay en tant que pilote d’essai au “Groupe des avions nouveaux” qui testait les prototypes de l’aviation militaire française. Il y est resté jusqu’au début de l’année 1931. Entre-temps, il a été promu lieutenant de réserve. Fin mai de la même année, il a été choisi par Louis Blériot, parmi de nombreux candidats, pour être chef-pilote d’essai en vitesse et acrobatie.
Il a participé juste après à la Fête aérienne de Chaumont du 26 juillet 1931 avec son Spad 92 et a fait des démonstrations de vols sur le dos, vrilles, tonneaux et loopings. On le retrouve également à l’affiche de la grande fête aérienne de Langres le 23 août suivant.
Le 2 juin 1932, il battit le record du monde de vitesse sur 500 km avec 308,77 km/h. Pour l’occasion, il pilotait le Spad 91-7, construit en un seul exemplaire.
Le plus rapide pour cette distance fut ensuite l’Allemand Hunluncht qui réalisa 348,945 km/h de moyenne. Plus tard, Massotte repassa devant avec 359,8 km/h.
Moins de deux ans plus tard, le dimanche 7 janvier 1934 à Istres, il établit deux nouveaux records du monde de vitesse sur avion léger (Caudron Régnier C.366 “Atalante” avec un moteur de 220 ch de puissance). Le ministre de l’Air, Pierre Cot, félicita personnellement le nouveau recordman qui venait de faire 1 000 km à 358,185 km/h de moyenne et 100 km à 360 km/h. Sur ce même appareil, il se classa second à la Coupe Deutsch de la Meurthe en mai de la même année avec la vitesse de 361,083 km/h sur 2 000 km.
Le mois suivant, Louis Blériot organisa à Buc un meeting à l’occasion du 25e anniversaire de sa traversée de la Manche. Louis Massotte y participa en vedette pour des acrobaties sur son Spad.
Jean Lignel, ingénieur de Sup-Aéro, a créé à la même époque la Société française de construction aéronautique (SFCA) sur l’Aéroparc de Buc. Louis Massotte accepta le poste de chef-pilote tout en travaillant toujours pour Blériot.
Nouveau record de France sur 100 km pour avions légers le 15 novembre 1936 à Buc, à la moyenne de 151,160 km/h sur un appareil Kellner-Béchereau.
Moins de six mois plus tard, il participa au match aérien connu sous le nom de “carré d’as” lors de la Coupe Georges Dreyfus de Vincennes du 25 avril 1937. La presse avait surnommé Louis “l’as de cœur”, René Paulhan, “l’as de trèfle”, Marcel Doret,” l’as de pique” et Jérôme Cavalli, “l’as de carreau”. Malheureusement, René Paulhan trouva la mort deux semaines plus tard en essayant un prototype à Vélizy-Villacoublay.
Le dimanche 30 mai 1937, lors de la grande fête aérienne de l’aéro-club langrois à Rolampont, Louis Massotte traça dans le ciel son propre nom en fumée argentée avec son Spad 924.
Deux semaines plus tard, avec le même avion, il participe le même jour à deux meetings : la grande fête populaire de l’aviation de Romilly où il fit des vols avec fumées et la fête aérienne de Saint-Dizier avec, au programme, son célèbre vol sur le dos à 50 m du sol.
Cette série impressionnante de records, de meetings et de séances d’essais s’arrêta brusquement le 15 juin 1937 lorsqu’il percuta le sol suite à une rupture de commande
du prototype de chasse Spad 710 qu’il testait. Il fut tué sur le coup. La disparition en un peu plus d’un mois de deux membres de la patrouille des 4 as de chez Blériot montre à quel point la vie des pionniers de l’aviation était dangereuse. Il était pourtant un des pilotes les plus expérimentés.
Pour lui rendre hommage, les employés de chez Blériot réalisèrent au sol un cœur à l’endroit où il tomba. Pour tout ce qu’il apporta à son pays, il fut cité à l’Ordre de la Nation le lendemain de sa disparition. Le 28 avril 1938, une plaque commémorative fut apposée sur la façade de sa maison natale de Torcenay et une urne contenant ses cendres fut intégrée dans le mur. Des rues Louis Massotte existent dans le village où il est né, dans la ville où il disparu, à Buc dans les Yvelines ainsi qu’à Langres et Saint-Dizier.