« Oui… oui… oui », le public adoube l’Estival Rue Cirta
L’Estival Rue Cirta a fait le plein pour son spectacle d’ouverture vendredi 15 juillet, à l’école Jean Duvet. Une allégorie a mis à mal les principes intriqués de servitude et de consentement au nom d’un vision prétendument supérieure. Le public l’a plébiscitée.
« Soudain, du ciel haut-marnais (…) telle la tartiflette le long de la patate cuite… ». Eh bien c’est la terre qui a été engendrée. Pour son ouverture vendredi 15 juillet, dans la cour de l’école Jean Duvet, l’Estival Rue Cirta a commencé… par le commencement, avec un spectacle qui invoquait le Grand début de tout, que la religion loue sempiternellement. Les trois comédiens de la Compagnie du Courcirkoui situaient ainsi le cadre du récit mordant qu’ils venaient d’entreprendre. Les rituels liés à l’adoration d’un être plus dominant que supérieur, incarné par un artiste de grande taille (qu’on appellera le Grand), allaient être brisés menus : l’enflammement d’une bougie provoquait l’extase, le service du détenteur du pouvoir absolu emmenait un artiste de petite taille (qu’on nommera le Petit) à faire montre d’une servitude qui tournait à la servilité. Sachant que la peur de représailles facilitait l’acceptation de cette déviation.
Acrobaties époustouflantes en série
On n’entre pas en religion comme dans un moulin, et quand on est déjà dans ses murs, le chemin est loin d’être tapissé de roses. Si le Petit a déjà les deux pieds dans le cercle sacré, il en bave pour adorer le Grand. Sans rechigner. Sans gémir. Il lève vers lui un regard mystique, globes oculaires prêts à tomber à la renverse, il lui essuie les pieds, il existe pour de rire -par opposition à pour de bon. « Oui… », tonne le Grand. « Oui… », jubile-t-il, à la limite meuble de la jouissance. De fugaces instants, il semble céder au plaisir de sentir le Petit coller son corps au sien, les deux êtres lévitent pour de vrai, prêts à succomber à un emmêlement lascif… abandon qu’empêche sur le fil le Grand, au grand désespoir du Petit, seul à assumer qu’il aurait bien succombé à la tentation. Les acrobaties qui illustrent les postures de domination et de soumission ont été des petits miracles à la queue-leu-leu, époustouflante prestation au total.
Un dédommagement du mal… qui permet sa répétition
On n’entre pas en religion comme dans un moulin, donc. Pour que le public en soit définitivement convaincu, le Grand a proposé d’adouber des spectateurs. Désignée volontaire par ses amis, une demoiselle s’est alors pliée à une cérémonie rigoureusement absurde, dont la seule visée revenait à ce qu’avec pompe, le Grand lui renverse sur la tête un bonnet de bain rempli d’eau à ras bord. Une fois détrempée, la miss a toutefois été autorisée à simuler la lapidation de son tourmenteur, supplice qu’il avait lui-même fait plus tôt endurer au Petit -mais en sachant comment le ressusciter. Si le mal se paie, la facture constitue un dédommagement total, une absolution telle qu’elle permet d’en faire encore usage : pourtant drôle, ce dernier tableau secouait les consciences.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr