Une semaine, un livre
Les oiseaux chanteurs de Christy Lefteri paru aux éditions du Seuil et traduit de l’anglais par Karine Lalechère Christy Lefteri est l’auteure de «l’Agriculteur d’Alep», livre présenté dans cette rubrique et qui eut un succès international. Dans ce deuxième roman qu’elle situe à Chypre, où vécut sa famille, elle poursuit la dénonciation des conditions faites aux travailleurs immigrés en s’inspirant d’un fait divers, en y ajoutant des éléments tirés de son expérience personnelle. Une histoire «de migrations, de frontières, de quête de liberté..»..
Nisha est une jeune femme sri-lankaise. Elle a perdu son mari dans un accident de mine et se voit contrainte de s’expatrier pour trouver un travail lui permettant de nourrir sa mère et sa fille de deux ans. Lourdement endettée auprès d’une agence d’emploi, elle arrive à Nicosie, dans la partie grecque de cette ville partagée en deux par «la ligne verte» qui la sépare de la Turquie. Elle y sera au service de Petra une femme enceinte, veuve elle aussi depuis quelques mois, et qui toute à sa douleur, lui abandonne aussitôt la gestion de la maison et l’éducation de sa fille. Elle dispose de peu de liberté et de loisirs mais son naturel la fait aimer de tous y compris de Yiannis locataire du premier étage de la maison.
Ancien banquier ruiné par la crise financière de 2008, Yiannis s’est laissé entraîner, pour survivre, dans le braconnage et le commerce lucratif des oiseaux chanteurs Il est donc sous la totale dépendance de la puissante mafia organisatrice de ce trafic. Les deux jeunes gens sont ainsi comme les petits oiseaux, piégés et empêtrés dans une glu dont ils ne peuvent se libérer. Mais ils sont amoureux l’un de l’autre. Yiannis la demande en mariage… et Nisha disparaît le lendemain…
Petra et Yiannis bouleversés par cette disparition inexplicable mènent de concert leur enquête, les policiers se désintéressant ostensiblement du sort d’une immigrée. L’un et l’autre s’interrogent, se culpabilisent. Petra découvre qu’elle ignorait tout de Nisha et de ses congénères «je commençais à regarder ces femmes d’un nouvel œil… Elles étaient invisibles pour moi avant la disparition de Nisha». Ils apprennent alors que quatre autres employées de maison ont disparu tout aussi mystérieusement…
Une histoire très touchante, racontée tour à tour du point de vue de Petra et de Yiannis. Dans une adresse au lecteur, à la fin de l’ouvrage, Christy Lefteri nous invite à laisser résonner en nous «en écho», «la voix de Nisha» et à «apprendre à voir chaque être humain comme nous nous voyons nous-mêmes».
De notre correspondante, Françoise Ramillon