Le marché du granulé de bois est en surchauffe
Entre hausse des prix et difficultés d’approvisionnement, la filière du granulé de bois est en surchauffe. Une situation due à un contexte géopolitique tendu mais également à un comportement des consommateurs qui stockent plus que nécessaire, accentuant le phénomène jusqu’à engendrer une pénurie.
Difficile de trouver des granulés de bois en ce moment et ce quel que soit le fournisseur. Les palettes arrivent au compte-goutte et c’est une véritable bataille pour chacun des vendeurs pour répondre à la demande. Une demande croissante depuis quelques années car les installations en poêles ou chaudières à granulés de bois ont été subventionnées par l’Etat, dans le cadre de la transition énergétique. Problème : la filière n’a pas la production nécessaire pour répondre à une demande qui était déjà exponentielle avant la crise russo-ukrainienne. « Le gouvernement a mis en place ces subventionnements mais, parallèlement, il n’a pas autorisé la construction d’usines de production à granulés de bois supplémentaires. Jusqu’à présent, la France importait environ 400 000 tonnes de bois, principalement venu des pays de l’Est ; depuis février, avec la guerre en Ukraine tout est plus compliqué pour faire venir ce bois », explique Jean-Luc Vauthier, directeur de Vauthier-Sépac d’Avrecourt. Son entreprise vend habituellement 1 200 palettes de granulés de bois par an et il se retrouve comme beaucoup face à une situation tendue.
Effet de panique
En effet, chaque crise génère des craintes de manque et les consommateurs stockent au cas où, créant un effet de pénurie comme on a d’ailleurs pu le voir ces derniers temps sur d’autres produits comme l’huile de tournesol ou la moutarde. A Leclerc Maison, à Saints-Geosmes, le réapprovisionnement est très difficile depuis deux mois et à l’heure actuelle aucun sac n’est disponible. Chez Weldom, toujours à Saints-Geosmes, on reconnaît avoir « vendu trois camions de plus que l’année précédente. Nous n’en avons plus car nous avons pour habitude de repasser commande au changement de saison, fin août-début septembre et cela s’annonce difficile ». Eric Mennetrier, gérant de Bricomarché de Langres annonce, quant à lui, cinq fois plus de ventes. « Les installations ont plus que doublé et on nous annonce une pénurie. Nous sommes obligés de limiter à dix sacs par personne pour ne pas se retrouver à sec. » Une décision prise aussi par Vauthier-Sépac : « Pour le moment nous approvisionnons tous nos clients mais dans une limite d’une palette par foyer, tous les deux ou trois mois, de manière à ne pas épuiser nos stocks. Il faut accepter de répartir les livraisons sur toute une année et que les consommateurs fassent preuve de civisme. »
Hausse des prix
Autre problématique, le prix de ces granulés qui deviennent à la fois rares et chers puisque la palette s’achète dorénavant à 540 € au lieu de 270 €, auparavant. « Nous vendions le sac de 15 kg à 5,50 € et il a déjà pris 1 € de plus, mais à terme, il sera très certainement plus autour des 13 €. En ce moment, nos fournisseurs nous obligent à nous engager sur des semis à l’aveugle (c’est-à-dire sans en connaître le prix, Ndlr) », affirme Eric Mennetrier.
« Tout le monde sait que, depuis la guerre en Ukraine, les choses ont changé le prix de l’électricité a été multiplié par trois pour les entreprises et pour le gaz, à peu près pareil. Le gouvernement a décidé, pour les particuliers, d’appliquer un bouclier tarifaire et de prendre à sa charge une grosse partie de ces augmentations. Mais cela ne s’applique pas sur le fioul ni les granulés de bois, de fait, les gens ont-ils dû moins ressentir cette hausse et pensent que la bascule sur les granulés est trop importante. Mais, en réalité, elle s’explique. Il faut comprendre qu’il y a une augmentation sur le bois en lui-même à laquelle s’ajoute le prix du gaz utilisé pour le sécher, celui du plastique pour les emballages et le coût des transports. Il n’était pas possible que les granulés de bois ne subissent pas une hausse, tout comme les autres énergies. Sinon, nous aurions tué la filière car tout le monde se serait précipité pour acheter des granulés de bois et la filière n’aurait pas réussi à fournir. Ce sera d’ailleurs la même chose pour les voitures électriques que l’on veut développer :mais on ne met pas à la disposition des bornes de recharge et on ferme les centrales nucléaires. Cela risque très rapidement de créer un gros problème », conclut Jean-Luc Vauthier.
Patricia Charmelot
p.charmelot@jhm.fr