La grande évasion – L’édito de Patrice Chabanet

La crise ? Quelle crise ? La SNCF voit ses réservations exploser pour les vacances d’été. La demande est telle qu’elle vient de décider de rajouter 500 000 places. Les raisons de cet engouement estival sont multiples. Ainsi, le renchérissement du carburant a alourdi la facture des déplacements en voiture. Idem pour le transport aérien. Des considérations moins économiques sont sans doute à prendre en compte. Les grandes migrations en train nous rappellent le début des congés payés, l’envie de couper les ponts avec l’ordinaire banal de l’existence, l’attraction de la grande évasion.

En ce moment précis, nombreux sont nos concitoyens qui veulent échapper à la musique obsédante et lancinante des affres de la politique intérieure et des milliers de tonnes de bombes déversées sur l’Ukraine. Ils l’ont exprimé en s’abstenant en masse lors du dernier scrutin. Réaction égoïste ? Sans doute, mais peut-on leur reprocher, du moins chez ceux qui en ont les moyens, d’effacer les deux dernières années plombées par la pandémie et des confinements. Le voyage, c’est l’anti-confinement et la liberté retrouvée hors des sentiers rétrécis des réglements et des interdictions.

Mieux vaut tenir que courir. En s’évadant, les Français sont conscients également qu’à la fin des vacances ils retrouveront leurs problèmes et ceux du pays. Seront-ils remontés après avoir fait le plein de soleil ou, au contraire, indifférents parce que sceptiques quant aux solutions que le gouvernement leur proposera. Les antagonismes qui phagocytent l’actualité laissent peu de place à l’espoir de lendemains qui chantent. Il serait peut-être temps que les politiques prennent un peu de vacances pour laisser respirer le pays. Notre démocratie est en train d’étouffer.