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Bûcheronnage : prison ferme et interdiction d’exercer

Le procès qui s’est tenu au tribunal correctionnel de Chaumont vient rappeler que le travail de bûcheron est particulièrement dangereux et que la sécurité doit être maximale (Photo d’illustration Wikimedia commons).

Condamné par le passé pour homicide involontaire suite au décès d’un de ses salariés, le responsable d’une société d’exploitation forestière a été condamné à huit mois de prison ferme et à une interdiction définitive d’exercer suite à un accident survenu en décembre 2017 à Leschères-sur-le-Blaiseron, près de Doulevant-le-Château.

Le milieu de l’exploitation forestière jouit d’une bien mauvaise réputation. Accidents du travail, travail dissimulé ou recours abusif à des travailleurs étrangers… Le dossier présenté, cette semaine, devant le tribunal correctionnel témoigne des graves manquements de professionnels étrangers à différents impératifs.

Le 7 décembre 2017, à Leschères-sur-le-Blaiseron, les secours prenaient en charge un homme blessé suite à la chute d’un arbre. Ce professionnel vient d’abattre une pièce encrouée*. Cette opération aura entraîné la chute d’un feuillu reposant sur le tronc de l’arbre tronçonné. La victime est touchée au visage. Un diagnostic fera état d’une Incapacité totale de travail de quinze jours. Un moindre mal au regard du risque encouru.

Les enquêteurs, en relation avec les fonctionnaires de l’Inspection du travail, n’auront pas tardé à s’interroger quant au respect de règles de sécurité au sein d’une société de travaux forestiers dirigée par Cyrille Therrasson. Un homme réfutant la moindre responsabilité dans cet accident du travail. « Je n’étais pas là quand l’arbre est tombé, j’étais à 200 m, avec un engin. Je ne lui ai jamais demandé d’abattre cet arbre, il a fait n’importe quoi, j’avais donné des consignes en début de chantier, il n’a rien respecté. Ce jour-là, il était empileur, personne ne lui a demandé d’abattre cet arbre. (…) Oui, nous avions prévu d’abattre cet arbre, quatre jours plus tard, à la fin du chantier. (…) Il a pris une tronçonneuse en mon absence, il a fait n’importe quoi ! »

Le prévenu fut dans un premier temps rappelé à ses obligations en qualité d’employeur. Le salarié blessé avait-il été dûment formé ? « Ça, je n’en sais rien. On leur montre comment abattre un arbre, on forme les gars sur le tas ! » Le chantier avait-il été préparé ? « Les fiches techniques, je n’en ai jamais fait. De nos jours, on manque de bûcherons, il n’y en a plus parce qu’il faut trop de formations ! »

La prévention des risques incombe au chef d’entreprise

Le prévenu fut dans un second temps renvoyé à d’inquiétants précédents. En dehors de condamnations pour conduite sans permis, conduite sous l’état d’un empire alcoolique, abus de confiance, émission de chèques contrefaits, Cyrille Therrasson a par le passé été condamné pour emploi d’un travailleur étranger sans déclaration préalable, coupe illégale et, plus problématique, homicide involontaire suite au décès, en Haute-Saône, d’un de ses salariés. « L’arbre a tourné pendant qu’on l’abattait. Mon meilleur ami est décédé, je n’ai plus touché à une tronçonneuse pendant cinq ans. (…) On doit aller vite, on travaille à la tâche, oui, c’est dangereux », tint à souligner le prévenu tout en, là encore, excluant sa moindre responsabilité.

Bûcheron « depuis l’âge de 14 ans », Cyrille Therrasson s’est désormais lancé dans la culture de « champignons de Paris » tout en continuant, « seul », d’œuvrer dans le secteur des travaux forestiers. « Abattage et élagage sont des travaux à haut risque. Un arrêté spécifique à l’abattage des arbres encroués a été pris le 24 janvier 2017, cet arrêté, monsieur ne le connaît pas ! La prévention des risques incombe au chef d’entreprise, des obligations incombaient à monsieur, en matière de formation notamment, mais monsieur a dirigé son entreprise en méconnaissance absolue de ses obligations. (…) Les déclarations d’accident du travail se sont enchaînées dans cette entreprise. Monsieur a été condamné en 2015 pour homicide involontaire, mais deux ans plus tard, un nouvel accident survient et on observe à nouveau les mêmes infractions à la législation. Malgré le décès, monsieur a continué à travailler dans le mépris total des règles de sécurité. Monsieur a multiplié les fautes en éludant des mesures de sécurité élémentaires », tonna madame le procureur D’Anzi avant d’appeler le tribunal à prononcer une peine de prison ferme à l’encontre du prévenu complétée d’une interdiction définitive d’exercer la moindre activité en lien avec les travaux forestiers.

Que pouvait-il faire pour empêcher cet accident ?

« Non, monsieur n’est pas l’employeur parfait, il a commencé à 14 ans, il a appris sur le tas, apprendre sur le tas, c’est ce qu’il a appris. Monsieur a des difficultés avec les documents, avec l’écrit », répliqua Me Alfonso avant de s’interroger quant au lien de causalité entre absence de formation et accident. « La victime le dit, personne ne lui a donné l’ordre de couper cet arbre, cet homme ne voulait simplement pas rester sans rien faire. (…) Comment monsieur pouvait-il empêcher ce salarié de prendre cette initiative ? Oui, monsieur a déjà été condamné, mais dans ce dossier, que pouvait-il faire pour empêcher cet accident ? »

Le tribunal n’aura pas douté. Condamné à huit mois de prison ferme avec mandat de dépôt différé, Cyrille Therrasson est, en outre, visé par une interdiction définitive d’exercer la moindre activité en relation avec le secteur de l’exploitation forestière.

T. Bo.

* encroué : arbres enchevêtrés, emmêlés, qui présentent des risques particuliers pour le bûcheronnage.

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