La nausée – L’édito de Christophe Bonnefoy
Il y a la guerre. Ses manœuvres stratégiques. Ses grands principes et ses règles. Si, si, ses règles, régies par le droit international. Il y a, aussi, ce qui se joue en coulisse, au plus haut niveau. Les efforts diplomatiques pour sauver ce qui peut l’être et tendre, le moins doucement possible, vers la paix. Donner d’une main, reprendre discrètement de l’autre. Offrir des gages et des assurances. En recevoir. De l’orfèvrerie, diront certains. Un rapport de force sans en avoir l’air, affirmeront d’autres.
Et il y a l’innommable. Les civils qu’on n’hésite pas à abattre. Froidement. Ou à éliminer par missiles interposés. A distance. Et ce journaliste français, Frédéric Leclerc-Imhoff, victime de ce qu’il considérait comme son devoir : informer, relater, montrer. Il l’a payé de sa vie.
Ça ne suffisait pas au côté russe de la force. Obscur donc. On connaît la propension de Moscou à fabriquer ses vérités. Par le biais de l’agence Tass, qui rapporte les propos d’un officier de la milice séparatiste pro-russe, on apprend ainsi que le journaliste de 32 ans aurait « joué un rôle dans la livraison d’armes et de munitions aux forces armées ukrainiennes ». Qu’il était un « mercenaire ». Bien sûr. Evident. Il n’y aura guère que la population russe pour le croire. Et encore.
La plus belle des réponses est venue, non pas de la sphère politique. Non pas du monde diplomatique. Mais de la mère de Frédéric Leclerc-Imhoff : « Je suis la maman du jeune journaliste que vous avez tué (…) Votre communiqué me donne la nausée. » Une maman qui loue « l’engagement professionnel et personnel de (son) fils par la démocratie, le respect humain et une information libre, impartiale et honnête ». Tout est dit.