TerraTerre : Franck Lamy construit l’avenir
Franck Lamy, 47 ans, de Liffol-le-Petit, a exercé plusieurs métiers mêlant compétences et responsabilités. Notamment dans le bâtiment. Construire, il s’y entend. Aussi est-il singulièrement crédible, sous sa casquette de patron de TerraTerre, lorsqu’il propose de construire des maisons de paille et de terre. Et il le démontre, avec une première “vraie” maison bâtie pour de vrais clients près de Contrexeville.
On est désormais à mille lieues des utopies écolo-bobo du siècle d’avant. Toutes les études (il travaille avec l’École de génie civil de Nancy) et toutes les réalisations ont démontré les avantages de ces solutions innovantes : confort, santé, économie d’énergie.
Oui, mais…
On sait désormais tous que dans ces maisons d’avenir, on respire moins d’émanations diverses issues des colles, ciments etc. conventionnels. On sait aussi que ces maisons savent être autonomes en énergie. On croit surtout savoir que ces maisons coûtent plus cher, notamment parce qu’elles sont longues à construire.
Faux !
TerraTerre apporte un démenti formel à tout cela. Il n’a fallu que quatre jours pour monter la maison que nous avons visitée à Contrexeville, ici en photo. Mais il avait fallu un mois pour en fabriquer les modules dans les ateliers de TerraTerre, à Liffol-le-Petit. Les murs sont en paille. Enfin, en paille (haut-marnaise) montée dans un châssis de bois puis enduite des deux côtés avec un savant mélange de plâtre et de sciure. TerraTerre prépare ainsi des modules, prêts à monter, qu’il ne reste plus qu’à assembler sur le terrain. Les performances thermiques et phoniques sont exceptionnelles. C’est la première “brique” du dispositif de Franck Lamy.
L’autre brique reste à produire
La seconde est une vraie brique. En terre. Pas cuite (économie d’énergie) mais pressée à froid. Ces briques à la conception desquelles travaille Franck Lamy auront une forme de lego. Elles seront empilées à sec, sans colle. D’origine, elles comprendront des alvéoles qui permettront partout le passage des réseaux secs ou humides. Elles apportent de l’inertie, des qualités acoustiques, des coûts moindres. Elles seraient utilisées pour les cloisons intérieures de la maison “cohérente” conçue par Franck Lamy. La toute prochaine étape consiste donc à monter une chaîne de fabrication à Liffol-le-Petit. La suivante pourrait être une machine à fabriquer ces briques, transportable par camion. Elle serait déposée sur le chantier de la future maison, si tant est que la terre locale présente l’essentiel des caractéristiques recherchées. Mais les terres peuvent se mélanger avantageusement… Les jeunes ingénieurs de Nancy ont apporté… leur brique à l’édifice. Dès lors, la matière première de la construction, locale donc, économique naturellement, est aussi saine et recyclable.
Le dernier avantage n’est pas le moindre : le coût. La méthode TerraTerre revient à 1 500 euros/m² pour la maison finie. Pour une maison passive qui se traduira aussi et surtout par des économies d’énergie.
Voilà un projet qui mériterait peut-être autre chose qu’un intérêt poli de la part du territoire élu par Franck Lamy, le nôtre. La Chambre de métiers et de l’artisanat et Haute-Marne Expansion l’ont bien compris et l’accompagnent. À suivre de près…
Tout vient du Greb
Franck Lamy n’est pas un inventeur au sens strict. Il développe un procédé de construction exclusif dérivé de la technique dite “Greb” pour Groupe de Recherche Ecologiques de la Baie. Ce groupe fut fondé en 1990, émanation directe d’un projet d’éco-hameau agricole situé dans le nord du Québec. Cet innovant concept est développé en France depuis 2005 par Vincent Brossamain et Jean-Baptiste Thévard de l’association Approche Paille. Il s’agit de démontrer qu’il est possible de faire marche arrière en s’inspirant des pratiques de nos anciens, en construisant des maisons avec des matériaux locaux, ceux qui sont sous nos pieds ou à côté de chez nous.
Franck Lamy réalise des modules extrêmement solides, quasi ininflammables (le “plâtre” qui enveloppe la paille est ignifuge) et avec un coefficient d’isolation obtenu maximum puisqu’il atteint un R10 sur une échelle de 10.
JHM du 6 novembre 2018