Un témoin « sans haine » à l’honneur
MEMOIRE. La rue qui mène au collège de Joinville porte depuis ce samedi le nom de Robert Hébras, l’ultime survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane en 1944. La cité haut-marnaise est la première de France à lui rendre ainsi hommage.
« Je n’en ai pas douté une seule seconde, que ce n’est pas parce que je suis vieux que j’ai droit à cet honneur. » Il est heureux, Robert Hébras, qui en ce samedi ensoleillé ne se départira jamais de son éternel sourire. Et il est touché : « Il y aura d’autres plaques à mon nom, mais Joinville sera toujours la première commune à m’avoir fait cet honneur. » En l’occurrence, le nom d’une rue qui, tout un symbole, mène en direction du collège et du nouveau groupe scolaire intercommunal, là où étudie au quotidien cette jeunesse que Robert Hébras, tout au long de sa vie, n’a cessé de rencontrer.
Robert Hébras est un survivant. L’ultime témoin, à bientôt 97 printemps, du plus horrible des massacres commis par les troupes de l’Allemagne nazie le 10 juin 1944 : celui d’Oradour-sur-Glane. Deux-cent-cinq enfants, 241 femmes, 197 hommes ont perdu la vie, ce jour-là, dans ce village « qui n’avait jamais vu un uniforme allemand de toute la guerre », comme l’a rappelé Gérard Mattera, conseiller municipal et ami du retraité limousin.
« Changé à tout jamais »
Robert Hébras avait 19 ans, en 1944. Il était dans une de ces granges dans lesquelles les SS ont mitraillé les hommes réunis là avant d’y mettre le feu. « Six hommes vont sortir blessés mais vivants de cet enfer », a rappelé Gérard Mattera. Dont Robert Hébras, qui a perdu une mère, deux soeurs dans le massacre. Il devait rejoindre un maquis puis, après la guerre, fonder une famille. Et témoigner. Devant les élèves. Ou durant les procès, notamment celui de 1983 à l’issue duquel un officier nazi a été condamné… avant d’être libéré. Des procès qui « eurent lieu beaucoup trop tard pour que justice soit rendue », a souligné Gérard Mattera.
Pour autant, Robert Hébras « n’a jamais éprouvé de haine envers le peuple allemand », a témoigné l’élu joinvillois. Le survivant est allé à plusieurs reprises en Allemagne. Il a surtout passé plus de trois décennies à raconter l’indicible devant ses concitoyens. Comme ceux de Joinville, en 2014. Un témoignage fort, suivi d’une découverte du village martyr que Bertrand Ollivier et Gérard Mattera ne devaient pas oublier. « Cela nous a changé à tout jamais », a déclaré un maire particulièrement ému.
Flambeau transmis
Robert Hébras, dont le prochain livre, « Le dernier témoin d’Oradour-sur-Glane », paraîtra dans la semaine, n’est pas venu seul voir ses « amis » de Joinville, qu’il a connus par l’intermédiaire du réseau des Villages étapes. Sa petite-fille, Agathe Hébras, notamment, l’accompagnait. Le survivant lui a transmis le flambeau de la mémoire. « Il a annoncé lors de la dernière cérémonie du 18 juin qu’il voulait que je prenne la suite, lui qui est très attaché à la transmission, explique la jeune femme. J’accompagnerai les scolaires, les délégations officielles, comme je le fais déjà, pour continuer, comme lui, à transmettre un message de paix. Il est d’autant plus important, quand on voit ce qu’il se passe aujourd’hui en Ukraine. »
L. F.
Les autres moments forts de cette cérémonie à lire en page Joinville dans une prochaine édition.