Legs à Fresnes-sur-Apance : des révélations qui interrogent
Au conseil municipal de vendredi 13 mai, le maire de Fresnes-sur-Apance Nathalie Blanc a annoncé avoir reçu le testament d’Edith Clerc. Un document assez « incomplet » pour être soumis à des spécialistes. Qui contredit en tout cas les annonces de son prédécesseur Jean-Marie Thiebaut.
Silence de plomb au conseil municipal de Fresnes-sur-Apance, vendredi 13 mai. Une bonne vingtaine d’habitants sont présents. Après avoir été retoqués mi-avril, les comptes de la commune repassent au vote. L’opposition veut qu’il soit à bulletins secrets, seule option qui lui permet de plier un match sempiternellement à égalité. Au terme d’une litanie ennuyeuse, tous les comptes sont rejetés. On apprend que, mi-avril, l’ancien maire Jean-Marie Thiebaut a participé au vote du compte administratif N-1, alors qu’étant comptable du bilan pour moitié, ça ne se pouvait pas. Le silence se brise sur le fil, quand Nathalie Blanc informe oralement l’assemblée qu’elle a réceptionné un courrier de Me Frédéric Vauthier, notaire à Bourbonne-les-Bains en charge de la succession des époux Clerc. Le testament de Mme Clerc est arrivé « en lettre recommandée, sans accusé de réception ». Surtout, il est « incomplet ». Le maire l’a confié à l’analyse d’un avocat, « dont je prends les honoraires en charge personnellement », d’un notaire et de la justice pour vérifier sa conformité et celle de sa transmission. Elle le lit, pour appuyer l’idée qu’il interroge. Sachant que Me Vauthier exige une délibération du conseil qui l’autorise à accepter dons et legs… et qui le désigne pour régler la succession. « J’ai le sentiment qu’il saute les étapes… ».
Le temps du legs sans contrepartie
Pour rappel, l’assemblée du 23 mai 2011 avait accordé à son prédécesseur une délégation l’autorisant à recevoir dons et legs pour la commune (notamment) « sans limite »… et « sans contrepartie ». Au conseil municipal du 10 juin 2013, Jean-Marie Thiebaut avait appris au conseil que Fresnes serait bénéficiaire d’un « don » de Gilbert Clerc, dont il a récemment estimé la fortune à 6,3 M € et déclaré avoir été, en qualité de personne particulière, son tuteur. Il est devenu celui de sa veuve Edith le 8 janvier 2016, jour où le mandat de protection future la concernant elle seule, établi trois ans plus tôt, a été activé. Gilbert Clerc est mort le 19 mai 2016. Les époux s’étant mariés sous le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale, sa veuve est devenue la propriétaire de tout leur patrimoine. Et la succession du couple, celle de Mme Clerc.
… puis le temps du legs avec contreparties
« Le testament de Mme Clerc désigne la commune légataire universelle pour y édifier un foyer logement ou établissement similaire pour seniors, entretenir les bâtiments communaux et fleurir la tombe des familles Thiebaut et Clerc ». Nathalie Blanc ne dit rien de la différence notable avec l’annonce de Jean-Marie Thiebaut : de contrepartie exigée par le testataire Gilbert Clerc, il n’y avait plus, « à cause (du veto) de l’ARS » pour résumer -quoiqu’elle ne soit pas compétente en la matière. En qualité de tuteur, il avait choisi un investissement alternatif avantageux pour la commune, en achetant un immeuble pour en faire des meublés, dont Fresnes pourrait estimer 100 000 € de rente annuelle – la Maison Maignien à Bourbonne-les-Bains. Aujourd’hui que Nathalie Blanc a en main un testament réintroduisant cette condition… plus exactement, fléchant ad vitam aeternam sa fortune, l’acquisition de la Maison Maignien interroge. On sait seulement que Jean-Marie Thiebaut soutient que les travaux y ont été stoppés « à cause » du décès de Mme Clerc, et le maire de Bourbonne-les-Bains André Noirot a conforté cette thèse. Reste que le chantier, entamé en dehors du respect de la réglementation, a bégayé. Si le legs était accepté, Fresnes devrait financer la quasi-totalité des travaux… sans qu’il puisse servir à les financer.
La banque retourne l’assurance-vie à l’assureur
« À ce testament, manque le contenu ». Nathalie Blanc signale que les élus sont ainsi dépourvus de tout moyen d’appréciation pour se prononcer. Hériter de tout est aussi hériter… de dettes. L’élu Hubert Camille, témoin de la signature du testament des époux Clerc, glisse se souvenir d’un « contenu détaillé », et s’arrête là. L’ambiance s’électrise, fugacement. Nathalie Blanc clôt le chapitre… pour en ouvrir un autre, également éruptif : les assurances-vie, hors legs. « Une assurance-vie de Mme Clerc a été liquidée pour plus de 200 000 €… que la banque a renvoyés à l’assureur car le RIB n’était pas conforme ». Pour rappel, Jean-Marie Thiebaut avait informé le trésorier payeur général en mars 2021 de la future arrivée de cette somme au crédit de Fresnes pour l’inscrire « en prévisionnel ». Malgré une santé cognitive jugée très défaillante par un médecin expert à l’automne 2015, Mme Clerc avait donc souhaité libérer cette réserve. « Évidemment que le RIB n’était pas conforme, Mme Clerc était morte ». Or, Jean-Marie Thiebaut se trompe : le virement a été opéré en décembre 2021 et Mme Clerc s’est éteinte début 2022. Le refus de la banque reste donc à expliquer. Enfin, il existe d’autres assurances-vie, et Jean-Marie Thiebaut le confirme. « Encore faut-il les demander ». Nathalie Blanc lui dit qu’elle s’y attèle. Et évoque la possibilité de changer de notaire. « Pourquoi ? », sursaute son prédécesseur. « Pourquoi pas ? », lui réplique le premier magistrat.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr