Comment stopper le délitement du système de santé à Chaumont et ailleurs
Si la structure de l’hôpital est jugée vétuste, le personnel de santé, à la clinique ou à l’hôpital, est quant à lui usé. Le manque de soignants, la suradministration et 20 ans de délitement partout en France expliquent un système de santé à bout de souffle. Ils en témoignent et donnent quelques solutions.
En laissant trainer les oreilles dans les couloirs de l’hôpital et de la clinique de Chaumont, à force de témoignages écrits et au fur et à mesure des rencontres avec les syndicats hospitaliers, il n’est pas compliqué de comprendre que le système de santé « à la Française » est dans un état de délitement complet.
Chaumont, son hôpital, sa clinique n’est qu’un exemple parmi tous les autres. Sa situation n’est pas plus enviable ou plus dramatique qu’ailleurs. Comme déjà évoqué ici, le personnel soignant y est formidable, compétent et impliqué. Les structures sont vétustes, inadaptées à la médecine d’aujourd’hui et le projet d’une construction réjouit le personnel avec l’espoir d’attirer de nouveaux soignants.
Manque de personnel soignant
Or, là est le réel problème à Chaumont et ailleurs. Un chirurgien est seul à la tête d’un service dans lequel il devrait en avoir quatre. Une infirmière est seule en ambulatoire alors qu’elle devrait avoir une ou deux collègues. Alors, ils courent tous après le temps, les permanences, les patients et s’usent à tel point que certains quittent les hôpitaux. Le cercle est très vicieux et sans fin avec une dégradation de la situation encore plus marquée durant ces derniers mois.
Trop vite citée comme responsable, la crise sanitaire n’y est pour rien. Un médecin explique que l’enlisement en termes d’équipements et de personnel dure depuis plus de 20 ans « sous la droite, sous la gauche ou sous le centre ». Il lance : « Les hôpitaux ne répondent plus à leurs missions. Le système de santé n’est plus en mesure de répondre aux besoins de la population ».
Les soignants, toujours sous couvert d’anonymat, parlent de dysfonctionnement en reprenant les propos du professeur Michaël Peyromaure, chef du service d’urologie de l’hôpital Cochin à Paris. « Toutes les mesures prises vont dans le sens d’une gestion comptable rigide et sclérosée. Rien n’est envisagé sous l’angle des malades et des soignants. Le pouvoir a été donné à l’administration avec la mise au pas des soignants et la mise à l’écart de notre mission de soins ». Une infirmière observe un personnel soignant abimé et malheureux.
Suradministration
Face à la suradministration et à la technostructure très française, tous se considèrent impuissants et coincés dans une machine à broyer. Certains émettent, malgré tout, la nécessité de redonner le pouvoir aux soignants pour que « les médecins gèrent leur service et pour que tout ne vienne pas du haut sans concertation et sans réalisme avec le terrain ». Au moment où toutes les entreprises prônent l’horizontalité dans leurs décisions après consultation des différents services, l’Etat et donc les hôpitaux s’obstinent à maintenir de la verticalité.
Le constat est d’autant plus amer chez les soignants qu’ils assistent à la valse des directeurs en tout genre et en tout domaine. L’Administration a pris le pouvoir, multiplie les contrats et, comme le système est bloqué, dès qu’un individu relève la tête pour faire évoluer la situation, il se fait dégommer.
Entre un nombre insuffisant de soignants et une suradministration figée, un médecin craint une crise profonde et durable du système de santé français. Il conclut : « la seule sortie de secours possible est de redonner le pouvoir aux soignants ».
Frédéric Thévenin – f.thevenin@jhm.fr