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Traite d’êtres humains

Trois prévenus ont notamment répondu de faits présumés de traite d’êtres humains devant le tribunal correctionnel. Réfutant toute mauvaise intention, un couple de restaurateurs haut-marnais et un directeur d’entreprise roumain ont tenté de minimiser leur implication.

 

Aubergistes cultivant un sens de l’hospitalité des plus singuliers, Chantal Thénardier et Pierre Martin se sont-ils rendus coupables de traite d’êtres humains, d’exécution de travail dissimulé et de location d’un local d’hébergement dans des conditions de suroccupation manifeste ? Cette question a animé de longs et fastidieux débats marqués par de cordiales escarmouches entre président, procureur et avocats de la défense.

Une heure durant, je juge Thil aura veillé à instruire un dossier né des investigations menées par les personnels de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. En mars 2011, les fonctionnaires opèrent une descente dans un bar-restaurant situé sur le territoire de la commune de Pierrefontaines. Du gibier indument abattu serait servi aux clients. L’hébergement de bûcherons roumains est également mis en évidence. Informé, le Préfet prend immédiatement un arrêté de fermeture temporaire. L’établissement rouvre ses portes, mais de nombreux éléments laissent à penser que Chantal Thénardier et Pierre Martin n’ont pas tiré les justes enseignements d’une première fermeture. Accompagné de personnels de l’Inspection du travail et de l’Agence régionale de santé, les gendarmes constatent en septembre dernier la présence de neuf Roumains et d’un couple de Nancéiens. Les résidents sont hébergés dans des pièces situées à l’étage du bar-restaurant. A la promiscuité des lieux et une suroccupation manifeste s’ajoutent de graves insuffisances. Seule une baignoire et un lavabo sont ainsi à disposition de l’ensemble des occupants.

«Marchand de sommeil»

«Vous êtes un marchand de sommeil», lançait le juge Thil à l’adresse de Pierre Martin. L’homme peinait à faire entendre sa supposée bonne foi. Et pour cause : des condamnations pour non déclaration de travaux, escroquerie, exercice illégal de la profession d’agent immobilier, exécution d’un travail dissimulé, publicité mensongère et autres faux et usage de faux garnissent le casier judiciaire de cet ancien footballeur professionnel. Pressé par le juge Fay, Pierre Martin en venait aux faits. «J’ai été démarché par la société Global smart partners qui cherchait des lieux d’hébergement pour le compte d’une entreprise roumaine. Ma compagne a été voir les services des Impôts et la Chambre de commerce, nous pouvions louer ces pièces», soulignait le prévenu.

Le procureur Bellet pouvait s’étonner de l’absence de toute trace écrite des démarches précitées. Le ton montait entre magistrats et avocats. Incommodés par les incessants bavardages de Mes Laloz et Coujas, le juge Thil et le procureur Bellet tentaient de recadrer les débats.

«Les personnes étaient logées pour 3,30 euros par jour, beaucoup de gens apprécieraient», osait Pierre Martin. «A aucun moment monsieur n’a le moindre mot sur les conditions de vie des véritables victimes. Ce couple a exploité la misère humaine», lançait le procureur Bellet avant de requérir quatre ans de prison dont deux ans assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve à l’encontre de Pierre Martin et deux ans d’emprisonnement dont douze mois assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve à l’encontre de Chantal Thénardier. A ces réquisitions s’ajoutaient deux amendes de 10 000 euros et une interdiction définitive d’exercer toute fonction dans le secteur de l’hôtellerie-restauration.

«Assommée» par les réquisitions, Me Laloz dénonçait acharnement et textes inappropriés au cours d’une longue plaidoirie. «Ce couple n’a pas exploité la misère humaine, il a été démarché par l’entreprise Global smart partners», soutenait l’avocate. Le juge Thil pouvait mettre l’affaire en délibéré.

 

«Conditions inhumaines»

Directeur d’une entreprise roumaine de bûcheronnage, Fiodor Karamazov a également répondu de faits présumés de traitre d’êtres humains. «Nous exploitons des lots forestiers en Roumanie, en Allemagne, en Autriche et en France, a souligné le prévenu. Une entreprise française est venue à notre rencontre et des salariés ont été détachés en France. Une trentaine de salariés étaient en Haute-Marne au moment des faits. Nous continuons à travailler sur le territoire français !»

Déclarés et appelés à remplir des missions d’une durée maximale de 90 jours, les bûcherons roumains percevaient mensuellement 1 200 euros, une véritable aubaine, eu égard d’un salaire moyen plafonnant à 400 euros sur le territoire roumain.

«J’ai eu du mal à trouver des locations, j’ai établi plusieurs contacts dans le secteur d’Auberive et j’ai loué une maison. Je pensais que le propriétaire devait être en règle», a poursuivi le prévenu. La dite maison avait tout d’un véritable taudis. Renseignés par Pierre Martin, les gendarmes ont pris possession d’une bâtisse située sur le territoire de Rouelles. Le descriptif des lieux témoignent de conditions indignes. Trois lits simples et un double étaient ainsi installés dans une pièce de 4 mètres sur 5. Quatorze salariés disposaient d’une seule douche et d’une cuisine ne disposant pas de point d’eau. Fils électriques coulant contre des murs moisis, prises arrachées, poêles à bois aux systèmes d’évacuation précaires complètent le sombre tableau. De la viande moisée a également été découverte dans une des pièces d’une maison louée 350 euros par mois. Qu’il s’agisse des chambres mises à disposition par Pierre Martin et Chantal Thénardier. ou de la bâtisse louée par Fiodor Karamazov, les règles en vigueur n’ont manifestement pas été respectées. Quand trois salariés sont appelés à disposer d’une superficie minimale de 23 m2, seuls 9m2 étaient mis à disposition des bûcherons roumains comme a tenu à le souligné le juge Thil.

«Ces salariés viennent travailler en France honnêtement, ils sont convoyés en bus, logés dans dans ces conditions précaires et travaillent dans des conditions inhumaines. La présence de viande moisie ne répond pas à des critères respectifs à la France ou à la Roumanie», a souligné le procureur Bellet avant de requérir 200 jours amende à 50 euros à l’encontre du prévenu.

 

Note : Après en avoir délibéré, le tribunal a rendu ses décisions. Le juge Thil et ses assesseurs ont relaxé Pierre Martin et Chantal Thénardier. de l’accusation de traite d’être humains. Egalement relaxé du délit de travail dissimulé, le couple a toutefois été déclaré coupable de location d’un local d’hébergement dans des conditions de suroccupation manifeste. Pierre Martin a ainsi été condamné à quatre mois de prison ferme et 1 000 euros d’amende. Sa compagne écope, quant à elle, de 1 000 euros d’amende avec sursis. Egalement impliqué dans ce dossier, Fiodor Karamazov, directeur d’une entreprise roumaine de travaux forestiers, a été déclaré coupable de traite d’êtres humains. A une condamnation à six mois de prison avec sursis s’ajoute une amende de 10 000 euros.

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