Mauvais perdants
Les Français n’aiment pas ceux qui gagnent. Ils n’aiment pas les premiers de la classe. Ils n’aimaient pas Anquetil, vainqueur insolent du populaire Poulidor. Ils n’ont jamais vraiment aimé l’Amérique parce que c’est la première puissance mondiale. Ils n’aiment pas les Anglais qui leur ont tenu la dragée haute pendant des siècles et qui ont mis fin à l’épopée napoléonienne avec un exil humiliant à Sainte-Hélène. Aujourd’hui, ils n’aiment pas le président de la République qu’ils viennent pourtant de réélire. Des a priori entretenus et exacerbés par les responsables politiques eux-mêmes, qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite. La République de Weimar a déjà connu cette prise en tenailles de la démocratie. On connaît la suite.
La palme revient à Mélenchon qui a instruit un procès en illégitimité contre Macron à peine le résultat de la présidentielle connu. Il se voit déjà Premier ministre. En toute modestie… On finirait par oublier que le patron de la France insoumise n’a rien de neuf. Il y a 22 ans, il était ministre délégué à la Formation professionnelle. Les mauvais perdants ont des pertes de mémoire.
Dans ces conditions, on voit difficilement comment Emmanuel Macron saura s’imposer sans heurts face à ce cartel des non… La bienveillance qu’il met parfois en avant dans ses discours paraît bien décalée et inappropriée. Le temps viendra où il lui faudra rendre coup pour coup et rappeler à ses adversaires qu’eux aussi n’ont pas fait de miracles en termes de voix.
Notre pays est confronté à de redoutables défis, notamment ceux d’une guerre à ses portes et d’une mondialisation incontournable (l’autarcie n’a jamais été un facteur de développement). Il ne pourra les affronter qu’au prix d’une forte cohésion, ce qui ne passe pas forcément par des coalitions trop imbibées de calculs politiciens. Cela exclut toute démarche fondée sur l’amertume et le ressentiment. Un tour de force stratégique.
Patrice Chabanet