La limite des modèles
Les stratéges et les prévisionnistes se complaisent à définir des plans dont ils sont convaincus de la pertinence et de l’efficacité. Mais entre cet objectif et la réalité il y a parfois un vaste espace dans lequel sombre la théorie. Le meilleur exemple du moment nous vient de Chine. Pendant des mois une habile propagande relayée par des thuriféraires bien de chez nous nous expliquait que les autorités chinoises avaient su juguler la pandémie, à grands coups de confinements massifs. L’aspect policier de la méthode était passé au second plan, selon le principe que la fin justifie les moyens. Malheureusement, ce bel édifice est ébranlé par un retour violent du Covid.
Tout ça pour ça…A Shanghaï, des quartiers entiers sont confinés. Exit donc la stratégie du zéro Covid.
Signe des temps : les habitants ne baissent plus la tête et manifestent violemment avec les décès qui se multiplient. Ils démontrent ainsi que les modèles peuvent rarement prendre en compte les imprévus et, en l’occurrence, les retours de flamme d’une pandémie que l’on croyait vaincue.
En micro-économie le phénomène est bien connu. Le modèle de Porter, du nom de son inventeur, vise à lister tous les éléments extérieurs (le marché, la réaction des consommateurs, la législation etc) pour affiner la définition d’une stratégie d’entreprise et la prise de décision. Mais il suffit qu’un événement surgisse (une guerre et l’envolée des cours de l’énergie) pour que la machine s’enraye. Ainsi, en Chine, le marché de l’automobile est contraint de freiner énergiquement, avec toutes les conséquences prévisibles chez les sous-traitants.
Le défi pour nos dirigeants est d’en prendre conscience sans affoler la population, ce qui par effets cumulatifs ne peut qu’assombrir le tableau. Avec la campagne présidentielle, le risque est momentanément limité puisque tout est dit et proclamé pour nous dépeindre un avenir radieux…
Patrice Chabanet