Aurait-on pu faire plus ?
Charles de Gaulle est, sans doute, désormais, le premier des écolos. A l’occasion des commémorations de sa mort, il est recyclé, récupéré, trituré pour en faire un produit adaptable à toutes les théories et les idées. Cet homme d’exception aurait détesté !
Tout le monde se réclame de lui, de l’extrême gauche à l’extrême droite qui pourtant l’avait combattu voire presque abattu. Cet homme d’exception s’en serait fortement agacé.
Alors plutôt que trahir sa pensée, autant se pencher sur ses plus fameux discours autour de l’agriculture. Assurément, elle n’était pas au premier rang des préoccupations du général de Gaulle. Il était plus attaché aux paysages haut-marnais qu’à la terre nourricière peut-être parce qu’elle était, pour lui, une évidence. Et qu’elle ne faisait pas débat contrairement à aujourd’hui où tout à chacun a son mot à dire.
Conscient que ce secteur représente sur le plan économique et qu’il peut représenter au niveau politique, Charles de Gaulle lui consacre des pages significatives dans ses “Mémoires”. Le discours est souvent optimiste voire triomphant. Malgré tout, il s’inquiète de son devenir. Il écrivait : « Comment, étant qui je suis, ne serais-je pas ému et soucieux en voyant s’estomper cette société campagnarde, installée depuis toujours dans ses constantes occupations et encadrée par ses traditions ; ce pays des villages immuables, des églises anciennes, des familles solides, de l’éternel retour des labours, des semailles et des moissons ; cette France millénaire que sa nature, son activité, son génie avaient faite essentiellement rurale. »
Son propos se transforme en éloge : « Comment méconnaître que (…) c’est la campagne qui demeurait la source de la vie, la mère de la population, le recours de la patrie ? » Comme souvent dans un éloge, la mort n’est pas loin : « Comment ne pas comprendre que les paysans français ont d’instinct le sentiment d’être, en somme, la France elle-même et que la colossale mutation qui diminue leur volume social et leur rôle économique suscite inévitablement leur inquiétude et leur mélancolie. »
Durant ces deux mandats, il n’a eu de cesse de constater la place disparue de l’agriculture dans la société avec une obsession, celles des revenus qui plafonnaient alors que le reste des classes sociales évoluaient entre mondialisation et combat pour l’autonomie alimentaire. Problème : 50 ans après, rien n’a changé. Charles de Gaulle se demandait, au sujet de l’agriculture, s’il n’aurait pas pu faire plus. Aujourd’hui, ses successeurs ne se posent même plus la question.
Frédéric Thévenin