Eco Hebdo : économie de guerre
Il y a quelques semaines encore, à la faveur du repli du Covid, l’horizon économique semblait se dégager. De nombreux voyants commençaient à passer au vert. Depuis, l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe a singulièrement changé la donne. Dans un monde où l’excès prime sur la réflexion, il n’en fallait pas plus pour voir surgir le spectre de l’économie de guerre. Or, pour le moment du moins, rien à voir avec ce que nos aînés ont connu entre 1940 et 1945: pénuries, tickets de rationnement, usines travaillant pour l’ennemi, monnaie totalement dévalorisée etc.
Cela dit, des signes apparaissent qui nous font sortir de la normalité et qui révèlent des anticipations défaillantes. Les constructeurs automobiles doivent ralentir la production de certains modèles faute de composants. Dans le secteur alimentaire, le prix des produits agricoles à base de céréales pourrait exploser dans les prochaines semaines. Ici, le danger n’est pas seulement économique (les conséquences inflationnistes) mais social ; le pain a une valeur symbolique et historique. Son renchérissement brutal peut déclencher des mouvements incontrôlables dans la population. Un phénomène qu’on observe également avec les tarifs des carburants. D’où la décision du gouvernement d’amortir le choc avec une contribution de 15 centimes par litre.
Sur le plan budgétaire, il faut s’attendre à des évolutions rapides. Les dépenses militaires sacrifiées pendant des décennies devront être revues à la hausse. Ce n’est pas avec un bloc de 200 chars Leclerc qu’on pourrait soutenir un conflit de haute intensité. Ce qui veut dire une nouvelle hiérarchie de nos dépenses, avec des résistances prévisibles dans les secteurs qui devront se serrer la ceinture.
Qu’on le veuille ou non nous vivons une période charnière. Le retour au statu quo ante n’est déjà plus envisageable. La dépendance française en particulier et européenne en général appelle une appréciation moins naïve des dangers qui ébranlent nos certitudes économiques. Le moindre grain de sable peut enrayer la machine. Avec la guerre à nos portes il s’agit plutôt d’un gros caillou.
Patrice Chabanet