Gradation des soins : on entre dans le vif du sujet
SANTE. C’est un nouveau cycle qui s’ouvre pour le projet de santé du centre et sud Haute-Marne. Une première réunion, un webinaire, a eu lieu sur le thème de la gradation des soins. On est visiblement entré dans le vif du sujet.
Le premier cycle s’est terminé en décembre avec deux décisions. Pour l’offre de soins du Centre et du Sud de la Haute-Marne est actée par les pouvoirs publics une organisation basée sur la gradation des soins avec le maintien des trois hôpitaux : Langres, Bourbonne et Chaumont. L’autre volet est financier avec un appui du Ségur de la santé à hauteur de 66,2 millions d’euros.
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En 2022, on va entrer dans le vif du sujet avec l’élaboration du projet médical partagé pour le territoire : le Centre et le Sud de la Haute-Marne en lien avec le CHU de Dijon, tête de pont du GHT 21-52 (groupement hospitalier de territoire). Une première réunion de travail – à distance -, un webinaire, a eu lieu le 19 janvier. Plus de 75 personnes, professionnels de santé et élus, étaient connectées afin d’échanger sur un premier thème : la gradation des soins.
Qui fait quoi et à quel endroit
« Il s’agissait de se mettre d’accord sur un certain nombre de définitions, comme la gradation, les filières, le projet médical partagé. L’idée était de partager ces concepts pour préparer un travail qui va se faire ensuite en atelier », commente Cédric Cablan, directeur territorial de l’Agence régionale de santé (ARS).
Pour chaque famille de pathologies, la construction d’une filière va permettre de dire qui fait quoi et à quel endroit, avec une notion de parcours suivi pour le patient. Le Centre et le Sud de la Haute-Marne, adossés au CHU de Dijon, ne partent pas d’une feuille blanche sur ce sujet car certaines filières sont déjà écrites et fonctionnent comme nous l’explique le Pr Maurice Giroud, du CHU de Dijon (lire par ailleurs). La sous-préfète de Langres, Emmanuelle Juan-Keunebroek, espère que tout ce travail, largement ouvert, « permettra de désamorcer les craintes. »
Le prochain webinaire est programmé le 3 février sur le thème de la e-santé. L’harmonisation des systèmes d’informations et du numérique en général est aussi une brique capitale dans l’organisation qui se construit.
C. C.
Mise en cohérence
Le Pr Bonnin préside la CME (commission médicale d’établissement) du CHU de Dijon. Il explique que l’hôpital dijonnais est en train de travailler à l’élaboration de son projet d’établissement. « Il va y avoir une mise en cohérence avec le projet médical partagé du GHT. Il y aura beaucoup de porosité entre les deux équipes », dit-il. « Il existe une symbolique très forte qui montre que nous travaillons dans le même sens. Aujourd’hui, le CHU, quand il recrute un médecin, il prévoit qu’une partie du temps de travail de ce médecin soit affecté à un autre hôpital général du GHT », cite-t-il en exemple.
La gradation : à quoi ça sert ?
Le professeur Maurice Giroud du CHU de Dijon a piloté dès les débuts du GHT 21-52 la construction des filières. Il nous éclaire sur ce qu’est la gradation de l’offre de soins.
« Elle permet de répondre aux besoins de la population ; de répondre aux besoins des médecins notamment les généralistes mais aussi plus globalement aux problèmes de la démographie médicale. Son deuxième objectif est d’effacer les disparités intra régionales entre les zones rurales et urbaines au niveau des besoins comme de l’offre de santé.
Trois grades sont définis :
–Grade 1 : maladie relativement simple : prise en charge à l’hôpital de Langres ou de Chaumont.
–Grade 2 : malade qui peut encore être pris en charge à Chaumont ou à Langres mais après l’avis des experts de Dijon.
–Grade 3 : c’est le malade qui doit arriver assez rapidement à Dijon.
Une filière, c’est quoi ?
Professeur Giroud : « C’est une succession de soins effectués par des professionnels différents qui ont chacun un rôle à chaque étape du parcours du patient. Il y a un partage de protocoles communs et il y a à la fois des outils de communication : une interaction entre les différents professionnels de santé. Cela permet aux patients d’avoir une réponse adaptée à chaque étape de l’évolution de son état de santé.
Un patient qui entre dans une filière n’est pas perdu. Il a une réponse à toutes ses questions. Pour qu’une filière soit vraiment opérationnelle, il faut que le profil du patient soit clairement défini, clairement identifié. Ça facilite la lecture du parcours pour le soignant mais aussi pour le patient. Une filière opérationnelle doit être mise en place à l’échelle d’un territoire. Et là, le territoire du sud haut-marnais correspond tout à fait (…) Tout ceci marche comme dans un orchestre. Il faut une synchronisation de tous les intervenants (…) »
Le professeur Giroud cite quelques exemples de filières qui fonctionnent sur le territoire.
Exemple avec la filière cardiologique et neurologique
« Exemple avec l’infarctus du myocarde d’un côté et l’AVC de l’autre. On a monté des opérations de prévention : c’est le protocole Diva qui veut dire Dijon vascular project. Diva c’est la prévention de la récidive de l’infarctus du myocarde et de l’AVC et elle est faite par les infirmières. Nos premiers résultats sont très encourageants.
Ensuite, dans la prise en charge, nous suivons ce qui est recommandé. Pour l’infarctus du myocarde, quand on arrive en soins aigus, il faut une intervention dans les artères coronaires. Dans le GHT, c’est Dijon qui a cette possibilité. Tous les infarctus qui sont pris en charge à Langres ou à Chaumont sont très vite adressés à Dijon pour que les patients puisent bénéficier de cet acte thérapeutique. Après cet acte, le patient retourne à Chaumont ou à Langres dans les 24 ou 48 heures.
On a la même démarche pour l’AVC mais de façon différente. Avec la télémédecine qui fonctionne 24 h sur 24 et 7 jours sur 7, il s’agit de donner l’autorisation à l’urgentiste de Chaumont ou l’urgentiste de Langres d’injecter un produit qui va casser le thrombus qui se trouve dans une artère cérébrale. Un expert à Dijon visionne les images du cerveau du patient et ensuite il autorise l’urgentiste à pratiquer l’injection. C’est important car il faut que le produit soit injecté dans l’heure. ». Le professeur Giroud cite d’autres exemples de filières existantes comme la gynécologie-obstétrique, la psychiatrie mais aussi la pharmacie « avec un groupement des achats qui permet des économies massives et qui permet que des médicaments très coûteux soient accessibles à tous les habitants. »
De nouvelles filières en construction
Le professeur Emmanuel Baulot est le tout nouveau président de la commission médicale de groupement du GHT. Il évoque, pour le JHM, les orientations à venir.
« Nous menons un travail important sur le système d’informations : leur convergence est fondamentale. Les grandes orientations sont
la consolidation des filières existantes pour assurer leur pérennité.
Et la création de quatre nouvelles filières : la cancérologie, l’hospitalisation à domicile, les soins palliatifs et la rhumatologie.
L’idée n’est pas de se lancer dans des projets non réalisables mais adaptés aux ressources humaines médicales et paramédicales.
Le projet se veut pragmatique, efficace et proportionné. C’est un travail de fond, un travail de terrain », souligne le professeur Baulot, « nous avons des projets », souligne-t-il.