Une semaine, un livre
« Les années sans soleil » de Vincent Message, est paru aux éditions du Seuil
J’ai d’abord ouvert le livre sans enthousiasme : encore la pandémie, encore le confinement, l’envie d’aller voir ailleurs. Or c’est précisément ce dont parle ce roman, de la capacité à voir ailleurs et autrement, même si le réel nous rattrape. La pandémie n’y est d’ailleurs que suggérée.
En arrivant à New York où il doit présenter son dernier roman traduit en anglais, l’écrivain Elias Torres est refoulé à la frontière … Début du confinement qu’il va vivre entre quatre murs avec sa femme, Maud sa fille de 17 ans et son petit garçon de 2 ans, Diego.
Comme chacun, il vit cette « contraction de l’espace », ce « resserrement des relations sociales », « l’évasion par les écrans ». Puis, il se réapproprie son temps. Il change son regard sur sa ville muette où il déambule avec des yeux pleins d’amour. Il consacre des après-midis à son vieil ami Igor Mumsen dont il admire l’érudition et qui lui prête des ouvrages. Car Elias Torres cherche dans notre histoire des périodes qui ressemblent à celle que nous vivons pour comprendre et relativiser. Il trouve une époque, le VIe siècle, qui connut un changement climatique, « des années sans soleil » qui déclenchèrent une série de catastrophes : « je relativisais nos malheurs de Modernes et je respirais mieux ». La lecture et l’écriture, antidotes à l’angoisse et à la dépression !
Pourtant tout se gâte : Maud revient profondément traumatisée à la suite d’une manifestation où elle a subi des violences policières, sa femme remet leur couple en question, Igor meurt, la librairie où il travaille doit fermer ses portes. Elias subit puis réagit et se rebelle… Un roman porté par l’humour, l’esprit critique, l’auto-dérision, un regard distancié et sans concession sur notre époque, un livre qui fait du bien.
Françoise Ramillon