Le goût de l’autonomie à la fromagerie des Chênes en Haute-Marne
Diversification. A Villiers-aux-Chênes, Yannick Labreveux produit du lait bio sur son exploitation et, avec sa belle-sœur Sophie, pousse l’originalité d’en transformer une partie pour de la vente directe. Son objectif est d’être le plus autonome possible.
Depuis toujours, relever des défis est dans l’ADN de la famille Labreveux. Elle est aujourd’hui installée à Villiers-aux-Chênes sous l’impulsion, au début des années 80, de François, le père, qui est aujourd’hui à la retraite et qui suit avec fierté l’évolution de son fils.
Dans la famille, il y a aussi Corinne, la mère qui s’est installée en 1992 et qui prendra bientôt sa retraite et enfin, Yannick, le fils qui s’appuie sur sa technicité et des choix stratégiques pour maintenir la rentabilité de son exploitation. Par exemple, son troupeau de prim’holsteins, en bio, produit, en moyenne, 9 000 kg. Une performance incroyable ! Et, comme il le dit, son ambition est, non pas d’agrandir son cheptel, mais produire moins mais avec une plus grande valeur ajoutée. Une conception révolutionnaire en agriculture !
Pour se démarquer
A Villiers, le Gaec produit des céréales et donc du lait. Le tout en bio depuis 2018, date du début de la conversion. Pour se libérer de la contrainte physique et du temps de traite, il a installé un robot en 2017. Et, pour aller plus loin dans l’autonomie, il a choisi de transformer une partie de son lait (50 000 litres par an) en 2020. La fromagerie fermière des Chênes est réellement née en août 2020 avec la sortie des premiers yaourts et faisselles.
Après avoir travaillé avec une salariée qui était fromagère de métier, Yannick Labreveux s’appuie désormais sur les compétences de Sophie Labreveux, sa belle-sœur. Tout les deux montent en compétence via des formations et, au fur et à mesure du temps, étoffent leur gamme de produits. Elle va de l’affiné de Villiers (type Chaource) à la tomme fleurie jeune en passant par le fromage frais enrobé, la ronde des Chênes (type Camenbert), le petit affiné (type Marcellin) et le Mont Villiers en boîte en épicéa (type Mont d’or).
Quant à la commercialisation, elle se fait directement au magasin de la ferme pour l’ensemble des produits et sur des collectivités comme les collèges et lycées de Chaumont, Joinville, Saint-Dizier, Bar-sur-Aube ou Colombey pour les yaourts. L’équipe met également ses produits en place dans des dépôts de vente autour de chez eux.
Vers les 120 000 litres de lait transformés
A courte échéance, la famille souhaite aller plus loin et transformer non plus 50 000 litres mais 120 000 litres de lait par an. Elle a entamé une démarche pour un agrément sanitaire supplémentaire pour pouvoir vendre à d’autres collectivités comme les hôpitaux et les bases militaires. Dans cette perspective, une stagiaire actuellement en formation adulte en reconversion professionnelle sera embauchée. Et, pour Yannick et Sophie Labreveux, d’autres formations les attendent pour élargir encore la gamme de fromage. Par exemple, ils aimeraient élaborer une tomme vieillie.
Pour lui, « les produits de qualité peuvent également toujours compter sur le bouche-à-oreille ». Il s’appuie aussi sur le réseau Agrilocal du conseil départemental pour présenter sa gamme aux chefs de cuisine. Sa ferme sert alors de vitrine avec une présentation « de A à Z » de la production à la transformation. La prochaine aura lieu en mars prochain.
Frédéric Thévenin
A Villiers-aux-Chênes, la fromagerie fermière des Chênes est ouverte les mardis et jeudis, de 10 h à 12 h 30, les mercredis et vendredis, de 10 h à 12 h 30 et de 16 h à 18 h 30 et les samedis, de 9 h 30 à 12 h. Rens. : fromageriefermieredeschenes.fr
La passion des bovins
Comme de nombreux éleveurs, Yannick Labreveux aurait pu choisir d’arrêter la production de lait à la retraite de son père mais il en a décidé autrement. Il est passionné par les bovins et voulait poursuivre le chemin de la famille même si sa ferme se situe dans une zone « classique » sans AOP particulière.
Il livrait son lait à Sodiaal et a donc souhaité se démarquer pour mieux valoriser son lait en passant en bio chez Biolait et en transformant une partie de son lait. Il le dit : « au départ de mon père, je ne voulais pas maintenir les traitements sur les champs et j’ai toujours été pour un bien-être animal optimal. Le bio est venu à moi naturellement et ma conversion va aller bien au-delà des cinq années minimales ».
Concrètement, ce passage en bio l’a obligé à « resemer » de l’herbe, luzerne et trèfle. D’un cinquième de la surface de l’exploitation en herbe, elle est passée à deux tiers avec, en parallèle, la réduction du maïs ensilage. Le troupeau est également en train de changer. Des prim’holsteins avec peu de croisement, Yannick Labreveux passe aux croisements en introduisant, très récemment, des jersiaises et simmentals ; deux races connues pour leur qualité fromagère et une meilleure valorisation du lait.
Ces choix de l’éleveur répondent à une déception sur le prix du lait dit conventionnel mais aussi à une volonté forcenée « d’être autonome sur tous les points ». Il en va ainsi pour la mise en place future de panneaux photovoltaïques. Le tout pour s’affranchir de la volatilité des cours de l’électricité, du prix du lait, de celui des tourteaux. Par exemple, il envisage de développer du séchage en grange pour favoriser encore davantage l’apport azoté de la ration par les fourrages de la ferme.