Des symboles attaqués – L’édito de Christophe Bonnefoy
Les professeurs ne sont pas là que pour transmettre des savoirs. Une histoire. L’Histoire. Des faits établis. Leur mission est, aussi, d’apprendre aux élèves à penser… par eux-mêmes. Leur raison d’être est, aussi, d’accepter le débat autant que de savoir l’alimenter.
Tout l’inverse, pour le coup, de la façon de faire des obscurantistes. Surtout ne pas réfléchir, mais imposer. Sans laisser aucun choix. Interdire de penser, d’une certaine manière.
Samuel Paty, 47 ans, en est mort. Il a tout bonnement été exécuté, uniquement pour avoir laissé la parole à ses élèves. Pour leur avoir offert la possibilité d’exprimer un avis, fût-il virulent. Une fois encore, un terroriste a voulu toucher un symbole. Le 7 janvier 2015, c’est la liberté d’expression qui était visée avec l’attaque de Charlie Hebdo. Dans le même temps quasiment, c’est l’autorité – et les règles établies – qui étaient ébranlées, avec la mort de trois policiers : Clarissa Jean-Philippe, Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet. Et ce vendredi, c’est donc un professeur de collège qui est tombé.
A ce titre, l’hommage national qui lui sera rendu mercredi est le minimum qui pouvait être fait en sa mémoire. Mais ça ne suffit pas. En l’occurrence, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, enseigner est aujourd’hui devenu, parfois, risqué. Certes, dans un message vidéo qui leur était adressé, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a promis aux enseignants que l’Etat serait à leurs côtés pour les « protéger ». Mais il faudra aussi se demander, entre autres, quels mécanismes ont pu, au fil des décennies, faire passer les profs de gardiens du savoir, respectés et appréciés, à responsables de tous les maux. Jusqu’à devenir, dans la tête de certains, des symboles à faire tomber. Au sens propre comme au sens figuré.